Historique


Anne RichardLe palmarès 2023 de l’Académie de Saintonge

Le palmarès 2023 de l'Académie de Saintonge

Panorama de l’année culturelle Saintongeaise en 2023

Discours d’ouverture des Prix de l’Académie de Saintonge 2023 : Marie-Dominique Montel

Directrice de l’Académie de Saintonge

Mes chers collègues, Mesdames et Messieurs les élus, chers amis,

Au nom de l’Académie de Saintonge, je voudrais rendre hommage à une grande dame qui vient de nous quitter, Hélène Carrère d’Encausse qui, de sa position de secrétaire perpétuel de l’Académie française, a toujours suivi avec sympathie les travaux de notre petite académie. Elle s’était abonnée à notre revue et avait, en 2012, délégué l’académicienne Danièle Sallenave pour présider notre cérémonie des prix. Au mois de mai, elle avait encore inauguré par un brillant discours la cérémonie du centenaire de Pierre Loti, sous la coupole.

Hélène Carrère d’Encausse et Marie-Dominique Montel Sur une note plus personnelle, nous gardons le souvenir, Christopher Jones et moi, d’une semaine épique à Moscou, lors du tournage du film que nous lui avons consacré pour la collection Empreinte (France 5). À 3 000 km de Paris, elle oubliait le protocole et nous entrainait dans une cavalcade de rencontres et de découvertes inoubliables. Nous avons encore travaillé avec elle en 2017, pour un film de France 3, Lénine et Marcel, sur un jeune français qui avait participé à la révolution d’octobre. De nouveau, elle a très généreusement mis toutes ses formidables connaissances historiques au service du récit que nous allions filmer.

Elle était autoritaire, mais on avait fini par s’apprivoiser mutuellement. Je me souviens qu’elle disait en riant « Je suis immortelle et en plus je suis perpétuelle, alors vous pensez, vous n’en avez pas fini avec moi ! ». Comment pourrait-on l’oublier ?

Aujourd’hui, je dois également vous transmettre plusieurs invitations.

La première nous vient de l’ambassade de France au Paraguay, à Asunción, pour le 250e anniversaire du botaniste Aimé Bonpland également connu là-bas sous le nom d’Amado Bonpland ou de Karaí Arandú dans la langue des indiens Guarani qu’il parlait couramment. On vient d’inaugurer, dans le jardin botanique d’Asunción, une statue de ce Charentais célèbre.

Aimé BonplandBonpland est né en 1773 à La Rochelle où, petit déjà, il jardinait avec son papa. Après des études de médecine, il se consacre à la botanique et c’est au Jardin des Plantes de Paris qu’il rencontre Alexandre Von Humboldt. Ils ont 25 ans tous les deux quand Bonaparte part pour l’Égypte et qu’ils décident de le rejoindre, mais (en résumé) ils ne trouvent pas de bateau pour l’Égypte, et s’embarquent pour… l’Amérique du Sud, alors largement inexplorée. Humboldt s’intéresse à la géographie physique, aux fleuves, aux courants (dont le courant de Humboldt qui porte son nom). Bonpland se consacre à la végétation et ramènera 60 000 espèces de plantes inconnues dont une jolie fleur de nos jardins, le fuchsia.

À leur retour, en 1804, leurs descriptions scientifiques remportent un vif succès et Napoléon engage Bonpland comme botaniste en chef des jardins de l’impératrice. Il acclimate en France des espèces qui ne poussaient pas chez nous comme des orchidées, des hortensias, des eucalyptus et, bien sûr…des fuchsias. La prochaine fois que vous en verrez, j’espère qu’ils vous feront penser au charentais Aimé Bonpland.

Aimé BonplandEt si vous allez au Paraguay, diverses activités sont prévues, tant dans la capitale, Asunción, que dans les départements de Misiones et d’Itapúa. Car Aimé Bonpland, à la chute de l’empire, est reparti en Amérique du Sud où il a poursuivi ses travaux sur les plantes et a eu beaucoup d’enfants. Il est mort à 85 ans, après avoir vu naître la photographie comme le prouve ce daguerréotype. Vous obtiendrez des précisions à l’ambassade de France ou auprès de Christine de Ponchalon, notre académicienne qui connait le mieux le Paraguay.

Deuxième invitation, au nom de notre Académie de Saintonge, pour un événement plus proche de nous, un vibrant hommage à l’un des grands intellectuels du XXe siècle, Pierre-Henri Simon. Son parcours fait l’objet d’une exposition réalisée avec le soutien de la Ville de Saintes, de la communauté de communes de Haute Saintonge et du département de Charente Maritime.

Exposition Pierre-Henri SimonPierre-Henri Simon est né à Saint-Fort-sur-Gironde en 1903. Intellectuel engagé, écrivain et critique littéraire, grande plume du journal Le Monde, élu à l’Académie française en 1966, il fut aussi co-fondateur et plus tard directeur de l’Académie de Saintonge. « La Saintonge est l’endroit où, mieux qu’ailleurs, je fixe mes souvenirs et mes songes » disait-il, laissant comme feuille de route pour les directeurs et directrices de l’Académie qui lui ont succédé cette belle consigne : « Il n’existe pas meilleure introduction à ce qu’est l’Académie de Saintonge : une compagnie dédiée au rayonnement de sa région et à l’expression de l’attachement qu’on lui porte ». Parmi ses engagements, on retiendra sa prise de position contre la torture à l’époque de la guerre d’Algérie. Ses romans, eux, nous replongent dans nos paysages et nos sociétés qui ne changent pas tellement et dans les problèmes de cœur et de conscience qui changent si peu.

Sa famille, dont nos collègues Jean-Louis et Christophe Lucet, et sa famille académique (c’est à dire nous) lui avons donc consacré cette belle et savante exposition, à la médiathèque de Saintes au début de l’été, puis à Jonzac au cloitre des Carmes, et à La Rochelle en décembre, à la maison du département. Vous pouvez d’ailleurs en voir une présentation sur la chaîne de l’académie.

Car voilà ma troisième invitation : il y a un an, l’académie de Saintonge a créé sa chaîne de télévision. Depuis, près de 15 000 personnes l’ont regardée pour suivre nos divers événements et les travaux des académiciens. Peu d’activités culturelles rassemblent autant de monde. C’est agréable, bien sûr, de constater que l’on s’intéresse à nous, c’est aussi satisfaisant pour nos mécènes de voir que leur générosité rencontre un large écho. Aussi, en leur nom et au nom de l’académie, je vous propose d’applaudir les deux personnes à l’œuvre, dans les coulisses de cette chaîne de télévision, le réalisateur Christopher Jones et Blake Jones, un génie du numérique venu spécialement de Munich pour nous aider.

Mickaël Augeron, pour « Les corsaires de Dieu »

Grand Prix 2023 de l’Académie de Saintonge

Mickaël Augeron, pour Les corsaires de Dieu (éd. Indes savantes)

Rapport : Christine de Ponchalon

Mickaël Augeron - Les corsaires de Dieu - Grand Prix 2023 de l’Académie de Saintonge

Mickaël Augeron est maître de conférences en histoire moderne et contemporaine à La Rochelle Université. Ses domaines de prédilection sont :

  • L’expansion maritime et coloniale des protestantismes du XVIe au XXe siècle.
  • Les sociétés coloniales, la Nouvelle France et la Nouvelle Espagne.
  • Mémoires et patrimoines coloniaux.
  • Histoire de La Rochelle et du littoral charentais.

Il a dirigé ou co-dirigé une douzaine d’ouvrages. Je vous en cite deux Les huguenots et L’Atlantique. J’aime tout particulièrement le titre du volume 1 Pour Dieu, la Cause ou les Affaires ?. J’ajoute La Rochelle, l’Aunis et la Saintonge face à l’esclavage.

Mickaël Augeron reçoit aujourd’hui le Grand Prix 2023 de l’Académie de Saintonge pour son ouvrage actuellement à l’impression Les corsaires de Dieu, les huguenots et la guerre maritime dans la seconde moitié du XVIe siècle.

Au début de la troisième guerre de Religion (1568-1570), La Rochelle devient la capitale de la Cause huguenote et le port atlantique de la guerre de course. C’est une guerre religieuse, politique, économique, une « guerre sur mer » anti-catholique se déroulant principalement de Calais à Gibraltar. Les prises sont les navires de commerce de haute mer, mais aussi de très nombreux petits bateaux cabotant le long des côtes. Certains corsaires chassent aussi jusqu’aux Açores, à Madère et aux Antilles. C’est sur ces vastes rivages atlantiques que la découverte de nouveaux fonds d’archives ont permis à Mickaël Augeron d’enrichir un texte en devenir aboutissant aujourd’hui à l’ouvrage que l’Académie a choisi de distinguer. Je me suis éloignée du contexte historique de la Course et reviens maintenant à son histoire.

Les « Lettres de course » délivrées aux capitaines par le pouvoir protestant permettent à ces derniers de se différencier des pirates et de bénéficier d’une part des biens saisis sur les navires arraisonnés. Un financement immédiat et vital pour l’avancement de la Cause.

Un passionnant ouvrage sur cette période pleine de bruit, de fureur et de sang, sous le pavillon de « la vraie religion ».

Mickaël Augeron - Les corsaires de Dieu - Grand Prix 2023 de l’Académie de Saintonge
Mickaël Augeron - Les corsaires de Dieu - Grand Prix 2023 de l’Académie de Saintonge
Jean Bernard-Maugiron, pour « Un carrelet sur l’île Madame »

Prix Jean-Claude Dubois

Jean Bernard-Maugiron, pour Un carrelet sur l’île Madame (éd. Du Ruisseau)

Rapport : Emmanuel de Fontainieu

Jean Bernard-Maugiron - Un carrelet sur l'île Madame - Prix Jean-Claude Dubois

Jean Bernard-Maugiron, ce bienheureux, possède un carrelet sur l’île Madame… Le ponton est perché à 6,4 m au-dessus de l’estran, dans l’ouest de la plus petite île de nos pertuis. « Fer à cheval rocheux rempli de bri », Madame est une île que l’on accoste difficilement. On y accède plutôt par un tombolo, passage de sable et de galets qui découvre à marée basse. Suspendu dans la lumière ou arpentant son territoire insulaire, l’auteur raconte ce qu’il vit, ce qu’il voit.

Les repères historiques émaillent le livre : l’épopée du sel, l’édification par l’État d’une ceinture de forts, l’épisode tragique des prêtres réfractaires martyrisés durant la Terreur, l’internement des communards puis des militaires « incorrigibles »…

Mais il raconte surtout un art de vivre dans le retrait du monde. « L’encabanage volontaire » dans un endroit si beau est une clé du bonheur. On y éprouve « la difficulté d’être, on y partage la joie d’exister ». Simplement ici, en son temps et en son lieu. Est-on jamais seul quand la nature s’offre à soi ? Il suffit d’ouvrir les yeux : fixer le miroitement de l’eau, observer les nuages, les étoiles, identifier les oiseaux, nommer les plantes et les créatures de la mer.

Ce faisant, ce manuel de la Vie belle poursuit une visée littéraire. L’écriture procède par digressions successives. Le projet du livre – faire le tour de l’île et rendre visible le passage du temps – dicte une démarche : l’auteur navigue « à vue », l’érudition se plaçant à la remorque de l’œil. Et l’inventaire devient plaisir de dire. Plaisir de lire aussi, par truchement. Jaillissement d’une matière poétique, adossée aux lais et relais de la mer.

« Plaignons les peuples sans marées ni saisons » !

Isabelle Arzul, pour ses recherches sur les maladies des bivalves marins

Prix de Marennes

Isabelle Arzul, responsable de l’unité ASIM de l’IFREMER, pour ses recherches sur les maladies des bivalves marins

Rapport : Jean-Claude Dubois

Isabelle Arzul, responsable de l’unité ASIM de Ifremer - Prix de Marennes

Coquillages, mollusques et en particulier huîtres et moules sont les principales espèces sur lesquelles se penche l’équipe « ASIM » (Adaptation et Santé des Invertébrés Marins) de l’Ifremer. Cette unité de recherche, basée à La Tremblade, est connue pour être le laboratoire référent pour la France mais aussi pour l’Union Européenne sur les maladies des mollusques marins.

Les recherches développées à l’unité ASIM portent aussi bien sur les coquillages, leur diversité, leur état physiologique que sur les organismes pathogènes qui les affectent. Par exemple, le séquençage de l’ADN du virus OsHV-1 (Ostreid herpesvirus type 1), impliqué dans les mortalités des jeunes huîtres, permet d’étudier la diversité de ce virus et sa dispersion dans le temps et l’espace. Ou encore, la comparaison d’huîtres sensibles et résistantes au virus permet de comprendre les mécanismes développés par les huîtres pour se défendre en cas d’infection à OsHV-1.

Les compétences et les activités de l’unité ASIM dirigée par Isabelle Arzul, chercheure en pathologie des invertébrés marins, lui ont permis de coordonner pendant 4 ans (2016-2020) le projet européen Vivaldi rassemblant 21 équipes européennes, sur la prévention des maladies et la réduction de leur impact sur les coquillages.

Récemment, dans le cadre d’une collaboration avec des collègues Ifremer Montpellier, l’équipe ASIM s’est penchée sur la capacité des huîtres à développer une forme de mémoire immunitaire vis-à-vis du virus OsHV-1. Ces résultats, très prometteurs, laissent penser qu’il est possible d’entrainer en quelque sorte les huîtres à se défendre face au virus en stimulant cette immunité antivirale.

L’expérience de l’unité ASIM, Ifremer La Tremblade, et de sa responsable, Isabelle Arzul, est de s’apercevoir que tout autant que d’apporter des réponses, la recherche amène toujours à se poser de nouvelles questions en particulier dans un contexte de changement global.

Abdallah El Hamidi, pour ses recherches en mathématiques appliquées au domaine médical

Prix de La Rochelle Université

Abdallah El Hamidi, pour ses recherches en mathématiques appliquées au domaine médical

Rapport : Jean-François Girard

Abdallah El Hamidi - Prix de La Rochelle Université

Dans le domaine de la santé et de la médecine, la recherche doit faire face à la diversité qui caractérise le monde du vivant. Cette recherche et les progrès qui en découlent s’appuient sur la physique, sur la chimie mais aussi sur les mathématiques dont les équations aident à résoudre bien des questions.

C’est à ce carrefour que l’on trouve les très remarquables travaux d’Abdallah El Hamidi, mathématicien, enseignant-chercheur dans le laboratoire des sciences de l’Ingénieur pour l’Environnement qui associe le CNRS et l’Université de La Rochelle. Né à Casablanca, il vient à l’âge de 22 ans, poursuivre ses études en France, complétant sa licence de mathématiques appliquées par un doctorat soutenu en 1996. Il n’a pas trente ans. Dans le même temps, il rejoint la très jeune université de La Rochelle comme attaché temporaire puis comme Maître de Conférences en Mathématiques.

S’appuyant sur les travaux de grands noms comme Laplace, Fourier et Fick avec ses équations, en lien avec les CHU de Bordeaux et de Poitiers, Abdallah El Hamidi travaille sur la maîtrise des techniques d’imagerie, les croissances tumorales et sur la dynamique des populations cellulaires contribuant ainsi aux incessants progrès dans le domaine de la lutte contre le cancer. Pourtant, le principe est simple : dans un milieu donné, le déplacement des particules en grand nombre n’est pas aléatoire et peut être analysé par des équations qui sont des opérateurs de diffusion.

Un tel principe peut s’appliquer en épidémiologie, en botanique, en démographie et bien d’autres domaines. Cela explique l’intérêt d’Abdallah El Hamidi pour les travaux qui rapprochent les disciplines autour des mathématiques appliquées, tendant à démontrer que les connaissances n’ont pas de frontières.

Nicolas Giraud, pour le film « L’Astronaute »

Prix de Saintes

Nicolas Giraud, pour le film L’Astronaute

Rapport : Christophe Lucet

Nicolas Giraud : L'Astronaute - Prix de Saintes

Avec L’Astronaute, son 2e long-métrage, l’acteur et réalisateur Nicolas Giraud, né à Saintes en 1978, réussit un alliage doublement rare : celui du réalisme et du rêve, du cinéma populaire et du cinéma d’auteur. Avec pour matériau la passion d’un homme du 7e art pour la conquête spatiale.

L’ambition de son héros, recalé au concours de l’Agence spatiale européenne (interprété par Giraud lui-même) paraît folle : bâtir une fusée et réussir le premier vol orbital habité en amateur. Ce film épatant sait convaincre qu’un tel rêve est possible en étant humble et ambitieux comme le confie le réalisateur. La fusée de douze mètres naît dans le secret d’une ferme. Pourtant, l’atelier où turbinent le héros et un ancien astronaute (Mathieu Kassovitz), un chimiste amateur, et sa grand-mère (Hélène Vincent) ressemble à un atelier de Formule-1. Question de crédibilité. Car avec l’aide d’ArianeGroup qui a fourni des pièces, et les conseils de l’ex-astronaute Jean-François Clervoy, le cinéaste charentais a ancré le film dans une irréprochable réalité technique soulignée par la lumière bleutée qui éclaire les tubulures.

Qu’un film à 3 millions d’euros puisse vous emmener dans les étoiles a sidéré les Américains. L’Astronaute après un bel accueil de la critique en France, a entamé une carrière internationale. Et confirmé le décollage du réalisateur de l’émouvant Du Soleil dans mes yeux qui découvrit le cinéma à 12 ans parce que son père avait emménagé à Saint-Pierre d’Oléron en face de « L’Eldorado ».

Giraud, revenu à Marennes après avoir vécu à Paris, a un nouveau projet : une expédition dans un mystérieux lac subglaciaire de l’Antarctique. Le film sera écologique, scientifique et humain. On devine quelles difficultés l’attendent mais le cinéaste a prouvé que rien ne lui faisait peur. En toute humilité.

Frédérique Rémy, pour « Femmes Courage »

Prix Dangibeaud

Frédérique Rémy, pour Femmes Courage (éd. La Bouinotte)

Rapport : Alain Quella-Villéger

Frédérique Rémy : Femmes Courage - Prix Dangibeaud

Fouras avait été évoquée par Georges Simenon dans quelques-uns de ses romans, mais réduite à sa plage, à ses pêcheurs d’huîtres, à sa chaudrée, bref à son charme atlantique. Frédérique Remy, née à La Rochelle, qui vit à Rochefort et s’honore de ses racines fourasines fait mieux que Simenon : son premier roman se consacre totalement à la cité durant la fin du XIXe siècle et en offre un portrait portuaire attentif et informé.

L’intitulé de ce roman historique, Femmes courage, annonce le programme : y évoluent des femmes volontaires et admirables que l’autrice a rencontrées dans sa propre généalogie familiale et elles deviennent sous sa plume d’authentiques héroïnes littéraires avec leurs coiffes, leur parler patoisant et leur révolte. Ce qui pourrait n’être qu’un roman régionaliste de plus, frôlant même avec le polar, nourrit au contraire un récit documenté qui rend hommage au travail difficile et ingrat de gens de mer et de bord de mer d’antan. Ces femmes sont d’aujourd’hui par leur combat contre la pauvreté et les drames. Une manière peut-être de rappeler aux touristes d’aujourd’hui que Fouras-les-Bains ne fut pas toujours une insouciante et jolie cité balnéaire !

Paimpol était entrée en littérature grâce aux pêcheurs d’Islande ; Fouras y accède grâce à ces femmes qui s’appellent Amélie, Maria, Anne, Magdeleine. Un second roman, Les Enfants de l’estran, vient d’ailleurs de paraître chez le même éditeur ; il se nourrit du même souffle sensible et social.
Félicitations, Frédérique !

Frédérique Rémy : Femmes Courage - Prix Dangibeaud
Gilles Ragot, pour « Maisons des bords de mer »

Prix de Royan

Gilles Ragot, pour Maisons des bords de mer (éd. Hermann)

Rapport : Christine de Ponchalon

Gilles Ragot : Maisons des bords de mer - Prix de Royan

Il y a vingt ans, un ouvrage novateur amenait Gilles Ragot dans la lumière de la Côte de Beauté : « L’invention d’une ville, Royan années 50 ». Tous ceux qui s’intéressaient à cette ville surgie des décombres, sans toujours l’aimer, découvraient alors combien elle était belle dans sa blanche modernité. Depuis, Gilles Ragot a poursuivi son œuvre, de publications en conférences toujours passionnantes. Il publie cette année « Maisons des bords de mer, modernité et régionalisme en Charente-Maritime, 1945-1980 ».

Professeur en histoire de l’art contemporaine à l’université Bordeaux Montaigne, il met ses pas dans ceux des architectes, maîtres d’œuvres ou maçons anonymes qui ont construit douze mille maisons sur le littoral de Charente-Maritime entre 1945 et 1980. Les vacances au bord de l’océan deviennent accessibles à une frange aisée de la population qui s’offre une villa dans le goût des temps nouveaux et heureux de l’après-guerre.

Styles, volumes, matériaux, éléments d’architecture, les propriétaires commanditaires puisent dans une large palette pour réaliser leurs rêves aux noms évocateurs d’un éternel été.

Dany et Albert Sutre, pour la gestion de la Maison-musée de Gaston Balande

Prix Jacques et Marie-Jeanne Badois

Dany et Albert Sutre, pour la gestion de la Maison-musée de Gaston Balande

Rapport : Philippe Ravon

Dany et Albert Sutre : gestion de la Maison-musée de Gaston Balande - Prix Jacques et Marie-Jeanne Badois

Méfions-nous des artistes, ils peuvent changer nos vies ! C’est le conseil que pourraient donner Dany Sutre, nièce du peintre Gaston Balande, et son mari Albert que nous voulons honorer par ce prix « Jacques et Marie Jeanne Badois ».

Savaient-ils, en 1980, en reprenant l’atelier et la maison de l’artiste avec son contenu qu’ils deviendraient tour à tour conservateurs, archivistes, commissaires d’exposition, conférenciers ? Dany et Albert ont fait de la demeure de Nieul un lieu unique, protégeant ce précieux patrimoine et le partageant au cours de visites dès que cela est possible (la seule restriction concerne les périodes où le jardin n’est pas aussi beau que l’aurait voulu l’artiste).

Parallèlement, ils ont protégé les très nombreux tableaux, carnets de croquis, correspondances. Des textes inédits ont été retranscrits par Dany pour être un jour édités. Il y a également des films d’époque qui montrent Gaston Balande peignant en famille. Tous ces documents sont un trésor inestimable.

On ne peut parler de Gaston Balande sans évoquer la mémoire du docteur Jean-Claude Dubois, éminent membre de l’Académie de Saintonge, décédé il y a un an, fidèle défenseur de l’œuvre du peintre. Il est à l’origine de la superbe collection de tableaux conservés à la Mairie de Saujon et de la création de l’Association des « Amis de Gaston Balande » qui a publié le catalogue raisonné de l’œuvre de l’artiste, en deux volumes (2012 et 2021).

Ce prix récompense aujourd’hui un couple qui a géré en toute humilité un patrimoine exceptionnel et dont le travail peut servir de modèle. Qu’ils en soient sincèrement remerciés.

Didier Quella-Guyot, pour « Halifax, mon chagrin »

Prix de la Corderie Royale

Didier Quella-Guyot, pour Halifax, mon chagrin (éd. Félès)

Rapport : Didier Néraudeau

Didier Quella-Guyot : Halifax, mon chagrin - Prix de la Corderie Royale

Didier Quella-Guyot, né à Rochefort, a mené une carrière d’enseignant en lettres en lycée à Poitiers. Mais depuis son doctorat en lettres à Toulouse sur Jeu de mots et création verbale dans la bande dessinée francophone, l’essentiel de ses activités est lié au monde de la bande dessinée.

Coordinateur ou rédacteur de publications telles que La BD de case en classe ou S’initier à la BD en primaire, il enseigne la BD, sa muséographie et son analyse. Ce qui l’amène à être scénariste de bandes dessinées, d’abord inscrites dans la culture de sa région avec Mélusine, Fée serpente ou Les Amours de la Roche Courbon, dessinés par Sophie Balland. Son imagination fertile lui gagne la reconnaissance des grands éditeurs (E. Proust, Paquet, Grand Angle). Voient ainsi le jour Pyramides, puis des policiers, L’affaire de l’auberge rouge, Le Café des colonies ou des adaptations d’Agatha Christie, La Maison du Péril et Rendez-vous avec la mort. Son partenariat avec Sébastien Morice donne des chefs-d’œuvre, Papeete, 1914, primé au festival Livre & Mer de Concarneau, Facteur pour femmes, et L’île aux remords. Il travaille avec Arnaud Floc’h sur Monument Amour, Emmanuel Cassier pour Esclaves de l’île de Pâques, Olivier Dauger pour Hélène Boucher, l’étoile filante.

Avant de retrouver Pascal Regnaud en 2023 pour une biographie dessinée de Pierre Loti, Didier Quella-Guyot a signé avec le même illustrateur un album exceptionnel, Halifax, mon chagrin, salué ici par l’Académie de Saintonge. Le scénariste nous y fait pénétrer dans les coulisses du drame du Titanic, avec les horreurs, les injustices et les scandales associés à la récupération des corps des naufragés. Veillant toujours à garder un lien avec sa région, l’auteur a pris soin de donner un premier rôle à une Saintongeaise.

Didier Quella-Guyot : Halifax, mon chagrin - Prix de la Corderie Royale
Contre-amiral François Guichard, pour « Premières plongées »

Prix de la Ville de Rochefort

Contre-amiral François Guichard, pour Premières plongées (éd. Locus Solus)

Rapport : Christian Vernou

Contre-amiral François Guichard : Premières plongées - Prix de la Ville de Rochefort

Le prix de la Ville de Rochefort 2023 est attribué à François Guichard, pour son ouvrage Premières plongées – Vingt milles nautiques sous la mer. Il s’agit d’un roman historique paru voilà un an, aux Éditions Locus Pocus de Châteaulin (29). Au long de 50 chapitres courts, le contre-amiral Guichard, amoureux de la Saintonge maritime, nous guide dans un périple d’une décennie, parmi les affres de la conception d’une arme de guerre nouvelle. Son expérience d’officier de marine, sous-marinier de surcroît, nous assure d’une maîtrise technique avérée, augmentée d’une réelle qualité de pédagogue.

Pour une époque qui nous semble si lointaine, celle du Second Empire, on découvre avec enthousiasme cette aventure méconnue, des balbutiements de la mise au point du premier sous- marin français. Comment imaginer que dès 1856, trois hommes passionnés, vont tout faire pour convaincre leur hiérarchie de s’intéresser au projet, de voter les crédits nécessaires et d’accompagner les indispensables essais techniques.

Ce prix est d’autant plus justifié, qu’il nous peint le Rochefort du XIXe siècle, où a été conçu et agencé le navire. On y retrouve la vie trépidante de l’Arsenal, de sa fonderie ou de son nouveau bassin à flot ; les quartiers en pleine expansion, tel le « village de Marseille » ; le nouvel hôpital maritime, l’église Notre-Dame ou le « café de l’Europe ». C’est alors, la ville la plus peuplée du département, avec ses 30 000 habitants !

La touche sensible du roman se trouve dans l’attachement au destin souvent tragique des femmes des héros du roman, ou encore, dans la description des essais malheureux des sous-marins conçus outre-Atlantique, en pleine Guerre de sécession. Le Nautilus de Jules Verne est déjà en germe…

Contre-amiral François Guichard : Premières plongées - Prix de la Ville de Rochefort
Claude Révolte, pour l’organisation des Eurochestries

Prix de la Haute-Saintonge

Claude Révolte, pour l’organisation des Eurochestries

Rapport : Nicole Bertin

Claude Révolte - Prix de la Haute-Saintonge

« Sans la musique, la vie serait erreur » écrivait Nietzsche.

Telle pourrait être la devise de Claude Révolte. À Jonzac, il a créé une manifestation unanimement reconnue, les Eurochestries, autour de musiciens âgés de 15 à 25 ans, de haut niveau venant de différents pays. Ce festival pas comme les autres donne priorité à la rencontre, au partage grâce à la musique. Sont accueillis des orchestres symphoniques ou à cordes, des chorales et des ensembles de musique de chambre. Claude Révolte s’est dépensé sans compter avec cette volonté qui anime les passionnés. Rien pourtant ne prédestinait cet ancien paysagiste à favoriser l’épanouissement de la musique et la pratique d’un instrument auprès des jeunes générations. Grâce à ses relations, de nombreuses formations se produisent en Haute Saintonge, Festival de la voix, Rosa Vetrov, opérettes. Quel plaisir de découvrir d’autres cultures, chants, danse, concerts !

Claude Révolte a un parcours atypique : sa naissance à Saint-Maigrin en 1950 au village de chez Collardeau, son CAP d’horticulture, son passage au 57e Régiment d’Infanterie (créé par le Comte de Jonzac !) et la découverte de la musique militaire, son premier emploi à l’hôpital de Jonzac où il est chef jardinier, la création des Bitons, fanfare locale et la troupe des majorettes, les premiers déplacements au Québec et Sultanat d’Oman avec le club Unesco, la création en 1981 de l’Ecole de Musique (aujourd’hui dirigée par Hervé Sardin), l’avènement des Eurochestries en 1996, sans compter son implication à l’ASSEM 17. Sa vie est un tourbillon. Il parcourt le monde pour développer des festivals : en Espagne, Pologne, Brésil, Slovaquie, Mexique, Chine. Son objectif ? Partager et rendre accessible la musique dans la joie et le bonheur. « Il faut aimer les autres, on n’obtient rien quand on est tout seul », dit-il. Les Eurochestries 2023 viennent de remporter un très beau succès. Bravo Claude pour cet événement culturel estival suivi par un nombreux public.

Patrick Giro et Marie Avril, pour « En route pour la Nouvelle France »

Prix Royan-Atlantique

Patrick Giro et Marie Avril, pour En route pour la Nouvelle France (éd. 54 et 58)

Rapport : Pascal Ferchaud

Patrick Giro et Marie Avril - En route pour la Nouvelle France - Prix Royan-Atlantique

Très jeune, Patrick Giraud est doué pour le dessin et remporte le premier prix d’un concours de bandes dessinées organisé par Le journal de Mickey et la radio Europe 1. Plus tard, il participe avec sa revue Sphinx au festival de la bande dessinée organisée dans la galerie des voûtes du port à Royan. En 1988, il remporte le deuxième prix d’un concours de nouveaux talents, organisé par le journal Pif, récompense remise au salon de la BD d’Angoulême. Son travail de publicitaire lui donne l’occasion d’effectuer de nombreux dessins, logos et affiches pour les commerçants de Royan et il crée en 1991 une porte factice à l’occasion de la réhabilitation du Front de Mer de Royan. Depuis, il a édité à compte d’auteur plusieurs BD notamment sur Royan à la Belle Epoque ou sous l’Occupation.

En collaboration avec Marie Avril, il a réalisé plusieurs documents historiques et livres pour enfants sur Royan et les environs. Ils sont notamment les auteurs de En route pour la Nouvelle France – Champlain et Dugua de Mons. L’ouvrage illustre la rencontre de ces deux protestants, d’origine saintongeaise qui participeront à la fondation de Port-Royal et de Québec. Les illustrations de qualité s’efforcent de coller à l’époque, l’architecture, les costumes, le mobilier. Le texte est bien documenté, même si Patrick « Giro » et Claire Avril ne se qualifient que « d’historiens de cœur ».

L’Académie de Saintonge à pour vocation de mettre en valeur des talents, ici saintongeais d’origine, dans différentes disciplines. Il est donc évident que le « neuvième art » y soit célébré et c’est tout naturellement que ce prix est remis aujourd’hui à Patrick « Giro » et Claire Avril.

Didier Jung, pour « Sophie et Jean-Pierre Blanchard, aéronautes professionnels »

Prix Claire Belon

Didier Jung, pour Sophie et Jean-Pierre Blanchard, aéronautes professionnels (éd. Indes Savantes)

Rapport : Marie-Dominique Montel

Didier Jung n’est pas un inconnu. Il y a quelques années, l’Académie lui a remis le Prix de l’ile de Ré pour ses biographies de Charentais remarquables. Il a eu la bonne idée de considérer qu’être récompensé pour l’ensemble de son œuvre ne signifie pas que cette œuvre est achevée. Il récidive donc cette année avec la biographie de Sophie Blanchard, première femme aéronaute, qui dans la nacelle de son ballon (aux cotés de son mari, puis seule), a connu la gloire à l’époque de Napoléon.

Née à Yves en Charente-Maritime au joli temps des montgolfières, Sophie a épousé l’un des premiers fous-volants qui avait accompli l’exploit inouï de traverser la Manche en ballon. Il s’appelait Jean-Pierre Blanchard. Les dames à la mode portaient des chapeaux à la Blanchard; les dames à la mode portaient aussi des manches ballon. Bref ils se plurent et Sophie devint une spécialiste des ballons comme son mari. Elle multiplia les ascensions en solitaire, collectionna les records. Napoléon en fit son aérostière officielle et elle fut pendant le Premier Empire et la Restauration, célèbre dans toute l’Europe : un mélange de Louis Blériot, Gagarine et Thomas Pesquet au féminin.

Je vous avais parlé ici-même de cette jeune aéronaute, morte dans un accident de ballon en 1828. Et Didier Jung a eu la délicatesse d’écrire que c’était ce qui lui avait donné envie d’enquêter sur Sophie Blanchard, de se passionner pour sa destinée et de se plonger dans les archives pour en tirer cet ouvrage enthousiasmant et rigoureux. Il mérite aujourd’hui de recevoir le prix Claire Belon, que l’Académie réserve à ses coups de cœur avec l’aide de la section régionale conchylicole de Charente- Maritime.

Didier Jung : Sophie et Jean-Pierre Blanchard, aéronautes professionnels - Prix Claire Belon
Bilout (Philippe Couteau), pour ses visites théâtralisées de l’île

Prix de l’Île d’Oléron

Bilout (Philippe Couteau), pour ses visites théâtralisées de l’île

Rapport : Pierre Dumousseau

Bilout (Philippe Couteau) - Prix de l'île d'Oléron

Si, en vous baladant sur la citadelle du Château d’Oléron, au pied du donjon de Fouras ou des tours de La Rochelle, vous rencontrez un pirate plus vrai que nature, un Vauban en tenue d’apparat, un marquis de La Fayette emperruqué ou Napoléon en personne, ne paniquez surtout pas ; vous n’êtes ni victime d’une hallucination, ni susceptible d’être inquiété pour consommation abusive d’herbe illicite. Vous venez simplement de croiser le vagabondage historico-touristique de l’un des multiples personnages incarnés par Philippe Couteau – plus connu sous le surnom de Bilout.

Natif d’Oléron, Bilout a exercé la profession d’ostréiculteur dans l’entreprise familiale au Château d’Oléron. Aucun gène de baignassout’ dans ses antécédents donc ! Mais le virus du spectacle est venu le titiller à la fin des années 90 avec son collègue des claires Jean-Marc Chailloleau. Bilout participe à huit films sur l’histoire d’Oléron, produits par Thierry Richard, tout en créant avec Chailloleau le fameux spectacle La vase monte.

Il entreprend ses premières visites théâtralisées à partir de 2009 avec les personnages de Vauban, du pirate Lazor, de Napoléon à l’île d’Aix, d’un dandy à Châtelaillon, de mousquetaire du Roy à La Rochelle, parfois accompagné de complices comme Stéphanie Roumagoute à Fouras. Enfin, il n’hésite pas à s’aventurer hors des terres charentaises puisqu’il est aussi, la voix « off » des spectacles du cabaret Chez Michou à Montmartre.

Il n’ignore pas pour autant le conte et, accompagné de Fred Laverde et son piano rouge, il fait revivre la légende de Sainte Radegonde de Talmont. Entre deux spectacles, il trouve le loisir d’écrire des BD avec son dessinateur et ami Ludo et des livres sur Oléron.
Homme-orchestre polyvalent et protéiforme, érudit, divulgateur de l’histoire locale, Philippe Couteau méritait bien que l’Académie de Saintonge le distingue aujourd’hui.

Bilout (Philippe Couteau) - Prix de l'île d'Oléron
Événements

Une année de l’Académie, octobre 2022 – septembre 2023

En octobre 2022, la cérémonie des prix de l’Académie de Saintonge
Fidèle à sa vocation de jury culturel, l’Académie de Saintonge a annoncé son palmarès 2022, salle Jean Gabin à Royan, devant un public chaleureux où figuraient nombre d’élus locaux venus manifester leur sympathie et leur intérêt. Les quatorze lauréats et le Grand prix, décerné pour la première fois à un mathématicien, Mickael Launay, ont recueilli des applaudissements nourris confirmant que le jury avait eu la main heureuse. La réception de deux nouveaux académiciens, Christophe Lucet et Emmanuel de Fontainieu, a constitué le point fort d’une journée qui s’est achevée en musique avec les saxophones de Manuel Audigé. Cet excellent cru 2022 n’a pas échappé aux média qui lui ont consacré un total de 36 articles, un record absolu pour notre revue de presse !

Les lauréats 2022

  • Grand prix 2022 : Mickaël Launay et André Deledicq pour le Dictionnaire amoureux des mathématiques (Plon)
  • Prix de littérature : Elsa Fottorino pour Parle tout bas (Mercure de France)
  • Prix Royan Atlantique : Charline Bourgeois-Tacquet pour son film Les amours d’Anaïs
  • Prix Champlain : Joël Selo pour L’étonnant destin de Samuel Champlain (Geste)
  • Prix La Rochelle Université : Benoit Lebreton CNRS pour ses cinq films sur l’écosystème des vasières
  • Prix Aunis Sud : Pierrick Aupinel (INRAE) pour ses travaux contre les interactions chimiques néfastes aux abeilles
  • Prix de l’Ile d’Oléron : Pascal Zavaro et Julien Masmondet pour l’opéra Le coq Maurice
  • Prix de la Haute Saintonge : Jean-Charles Chapuzet pour Du bleu dans la nuit (éd. Marchialy)
  • Prix de Royan : Marie-Anne Bouchet-Roy et Jean-Christophe Ledoux, Si Aigue-marine m’était contée (Bonne Anse)
  • Prix Jacques et Marie-Jeanne Badois : Association des amis de l’Abbaye de Bassac
  • Prix Jehan de Latour de Geay : Jean-Marie Digout pour L’affaire Dreyfus (éd. l’Homme en noir)
  • Prix de Marennes : Benjamin Caillaud pour ses photographies du littoral
  • Prix de Saintes : David Pacaud et Aurélie Allavoine, restaurateurs de tableaux
  • Prix Claire Belon : Manuel Audigé pour son école de musique et l’organisation de concerts en Vals de Saintonge.

La “télévision” de l’Académie
C’est l’événement de notre année académique. Lancée en octobre dernier, la jeune chaine Youtube de l’Académie de Saintonge affiche déjà un « audimat » impressionnant de près de 15 000 téléspectateurs. Ce qui multiplie l’audience et la visibilité de l’Académie et de ses prix. En effet, grâce au travail du cinéaste Christopher Jones et de l’expert en transmission numérique, Blake Jones, les personnes retenues au loin peuvent suivre la cérémonie des prix en direct sur leurs écrans ou la regarder plus tard. Tout au long de l’année, la chaine Youtube de l’Académie propose également une série de programmes différents sur les activités de l’Académie et de ses membres.

L’exposition Pierre-Henri Simon à Saintes, Jonzac et La Rochelle
Avec le soutien de la Ville de Saintes, de la Communauté de communes de Haute Saintonge et du Département de Charente-Maritime, l’Académie présente la belle exposition « Pierre-Henri Simon, parier sur l’humain ». Né en 1903 à Saint-Fort sur Gironde, romancier et critique littéraire au Monde, grande figure intellectuelle de son époque, élu à l’Académie française, Pierre-Henri Simon a été l’un des fondateurs puis le directeur de l’Académie de Saintonge. La famille de l’homme de lettres — dont le petit-fils, Christophe Lucet siège à l’Académie — a conçu cette exposition qui s’est tenue à la médiathèque de Saintes puis à Jonzac durant l’été. Elle sera en décembre à la Maison du Département à La Rochelle.

Deux nouveaux prix en 2023
Le Prix Jean-Claude Dubois, créé par Olivier Dubois, récompensera une personnalité qui s’est illustrée dans le domaine de la littérature et des sciences humaines. Il honore le nom du docteur Jean-Claude Dubois, ancien doyen de l’Académie et directeur de la revue La Saintonge littéraire.
Le Prix de la Corderie Royale, fondé par le président du Centre international de la mer, Henri Jobbe-Duval, et inscrit dès 2023 au palmarès de l’Académie. Il sera attribué à des travaux ou des œuvres en relation avec l’océan, l’histoire maritime, les découvertes et la connaissance de la mer.

Trois nouveaux académiciens élus cette année

  • Olivier Dubois (22e siège). Médecin psychiatre, directeur de la clinique et de l’établissement thermal de Saujon, coordinateur de recherche et auteur de livres sur le thermalisme et organisateur des Journées de la psychiatrie. Il succède à son père, Jean-Claude Dubois, doyen de l’Académie, décédé en 2022.
  • Christian Vernou (11e siège). Conservateur des musées de Saintes, Cognac, puis Dijon, auteur du volume sur la Charente de la Carte archéologique de la Gaule. Directeur scientifique du laboratoire ARC-Nucléart de Grenoble, nommé Conservateur général. Il succède à Bernard Mounier devenu honoraire.
  • Éric Depré (14e siège). Responsable du conservatoire des semences (INRAE), paléontologue amateur reconnu, fondateur d’un formidable musée, primé par l’Académie en 2021 pour Paléontologie de l’Aunis. Il succède à Marc Fardet, devenu honoraire, et sera reçu officiellement en 2024.

L’Académie poursuit sa politique de réunions itinérantes…
À Aigrefeuille d’Aunis en novembre 2022, l’Académie a tenu son assemblée générale annuelle, après une visite passionnante du magnifique musée paléontologique d’Eric Dépré.
À Saint Porchaire en mars 2023, à l’invitation d’Alain Quella Villéger, l’Académie a pu visiter en avant- première le chantier de la maison de Marie Bon, sœur de Pierre Loti, avant son ouverture au public. La journée s’est poursuivie par une réunion de travail à la mairie et un premier tour de table pour le palmarès.
À Saintes fin avril, à l’invitation de Philippe Ravon et Alain Michaud qui se sont faits nos guides, la visite du Musée de l’Echevinage a été suivie d’une rencontre-apéritif avec la société d’archéologie et d’histoire. La séance de travail était consacrée au vote du futur palmarès et à la préparation de l’exposition Pierre-Henri Simon.

Inauguration de l’Espace culturel Jean Glénisson à Jonzac
Grand intellectuel saintongeais, historien et formidable directeur de l’Académie de Saintonge de 1982 à 1991, Jean Glénisson était à l’honneur, le 6 avril, lorsque Sylvie Marcilly, présidente du conseil départemental, Claude Belot, président de la communauté de communes de Haute Saintonge et Christophe Cabri, Maire de Jonzac, ont dévoilé la plaque sur le bâtiment des Archives départementales qui porte désormais son nom.

Visite de l’Académie de Bordeaux
L’Académie de Bordeaux, présidée par Claude Jean, avait choisi Saintes et l’Académie de Saintonge pour sa journée « hors les murs » annuelle, le 15 juin. Cette rencontre savante et conviviale, ponctuée de plusieurs visites, était orchestrée par notre collègue Alain Michaud assisté de Christian Vernou. La matinée commencée à l’Abbaye aux Dames s’est poursuivie à l’arc de Germanicus, tandis que l’après-midi était consacré aux arènes et à Saint Eutrope. A mi-parcours, le déjeuner qui réunissait près de 60 convives des deux académies a permis bien des échanges et des projets, en particulier avec l’amiral Béreau, secrétaire perpétuel de l’Académie de Bordeaux.

Didier Catineau : disparition d’un esprit saintongeais
Didier Catineau, né à Jarnac, s’est éteint près de Saintes, le 23 novembre 2022. Avec lui disparaît une figure régionale attachante, militante et passionnée. Il venait de publier un gros volume de ses écrits, intitulé Un esprit saintongeais (Contact : F. Catineau, 7 rue de Conchamp, 17250 Plassay).

Publication d’un dépliant illustré
Afin de mieux faire connaitre l’Académie, son histoire, ses missions et ses activités, ce petit livret a été tiré à 500 exemplaires. Disponible au siège de l’Académie, rue Mauny, à Saintes, il est également remis au public lors de l’exposition Pierre-Henri Simon, de la Cérémonie des Prix et d’autres manifestations.

La revue, le site web et la page Facebook : trois outils pour une visibilité de nos activités
La revue annuelle est déposée à la BNF, aux archives de Charente-Maritime et à l’Académie française. Au sommaire, les actualités de l’Académie, de ses membres et la présentation des lauréats de l’année.
Le site web, très complet et très visité, offre également au public la possibilité de poser des questions.
La page Facebook constitue un outil de communication réactif, alimenté en permanence.

Réception de Christian Vernou au 11e siège de l’Académie

Discours de présentation par Alain Michaud

Alain Michaud Bienvenue Christian ; et doublement bienvenue ! D’abord, bienvenue dans notre prestigieuse Académie qui prolonge celle de Bourgogne à laquelle tu as appartenu, et bienvenue car te voilà enfin retourné dans cette belle Saintonge qui t’a vu naître, et où nous sommes heureux de te revoir : tu es en effet attaché à ce pays par ta jeunesse rurale, qui t’a profondément marqué, enraciné, comme tu l’écris toi-même, dans les valeurs familiales de ta ferme de Julienne, au joli nom de fleur, où tu as connu le rythme des saisons, des cultures et des récoltes. Et toujours attaché à cette terre, la vie de la ferme ayant disparu, par l’archéologie et les fouilles qui ont été le fil conducteur de ta vie.

Après de solides études, le déclic de l’histoire s’est produit en 1978 quand tu as été pressenti par Louis Maurin, alors conservateur du musée archéologique de Saintes pour ce que tu as appelé « un job d’été » : être le gardien et le guide d’une exposition sur l’Âge du bronze en Charente. Tu avais mis le pied à l’étrier avant d’entreprendre, sous sa responsabilité et sous l’égide d’un cadre associatif, celui de la vieille mais dynamique Société d’archéologie de la Charente-Maritime, tout une série de fouilles que tu as enchaînées avec l’enthousiasme de ta jeunesse entre 1981 et 1987 : citons en désordre celle de la bibliothèque centrale de prêt avec le dégagement d’une voie antique et de ses trottoirs à portiques, celle d’un puits gallo-romain aux Ateliers municipaux, le dégagement du cloître disparu de l’Abbaye aux Dames, qui a permis la réapparition de rares structures sous-jacentes du haut Moyen Âge, vestiges possibles de l’ancienne abbaye Saint- Pallais, de cet îlot antique rue Port-La Rousselle, et de cette fouille de l’école Émile Combes, où, sous les structures d’une demeure gallo-romaine, tu as identifié — comme rue Port La Rousselle, d’ailleurs —, des vestiges rares et précieux remontant à la Protohistoire.

Parallèlement, tu as poursuivi le cursus universitaire nécessaire à la poursuite de ta passion et de tes ambitions d’archéologue, licence, maîtrise, puis diplôme d’études approfondies d’histoire et civilisation de l’Antiquité, ce qui t’a permis d’être admis comme conservateur du musée de Cognac. Tu en célèbres d’ailleurs le centenaire en 1992, et tu y organises également en 1991 le congrès national de la céramique antique en Gaule. Cela ne t’empêche nullement de poursuivre tes recherches sur le terrain : à la villa gallo-romaine des Coulées, commune de Boutiers, ou à la ferme de la Haute Sarrazine en 1987, dont tu dégages les antiques cuves de réception du moût, ancrant un peu plus notre passé saintongeais dans son identité viticole. Cependant, tu trouves encore le temps de diriger en 1993 l’ouvrage la Carte archéologique de la Gaule 16 qui fait le bilan de toutes les découvertes antiques du département de la Charente.

Mais ce qui t’attire surtout, c’est le passé prestigieux de celle qui fut peut-être la première capitale de l’Aquitaine, la plus que bimillénaire Mediolanum. Tu arrives donc, l’année suivante, à la tête du musée archéologique de la ville. Infatigable, tu deviens, de 1998 à 2002, Conservateur départemental du patrimoine de la Charente, dont tu portes l’ambitieux schéma de l’archéologie. Tes centres d’intérêt te poussent également vers notre beau fleuve, à travers la maison des gabarriers de Saint-Simon et le musée-moulin de Fleurac. Dans cette optique, tu mènes à bien avec ton équipe le projet de reconstruction d’une gabarre du XVIIIe siècle, La Renaissance, traditionnel bateau fluvial charentais, mis à l’eau dans l’été 2000.

Autres temps, autres cieux : la Charente étant peut-être trop étroite pour toi (ce que je dis sans humeur de Saintongeais), ou peut être encore attirance viticole ? Te voilà installé en Bourgogne, à Dijon, pour y exercer pendant quinze ans la direction et la conservation du musée archéologique : avec, entre autres, exposées sous les croisées d’ogives du dortoir de la prestigieuse abbaye Saint Bénigne, les admirables collections lapidaires antiques et médiévales dont tu reprends la muséographie et la présentation, et que mon épouse et moi, avons eu le grand plaisir de visiter et de partager avec toi (ainsi qu’une bonne bouteille du cru le soir au restaurant !)

J’abrège pour ne pas fatiguer ta modestie : à Dijon encore, ce sont une dizaine d’expositions temporaires, des charges de cours à l’université de Bourgogne ; et parallèlement, outre la participation à la Revue archéologique de l’Est, des publications annuelles dans la presse spécialisée d’Archéologia. Et puis, bon sang ne saurait mentir : tu retournes à ton amour des fouilles en effectuant des sondages dans une des salles du musée, ancien chapitre du monastère Saint-Bénigne.

Que te restait-il pour parfaire ta vocation d’archéologue dans ton tour de France ? Grenoble et la restauration du patrimoine, c’est fait : te voilà en 2016 chargé par le ministère de la Culture, de la direction scientifique et culturelle du laboratoire ARC-Nucléart, spécialisé dans la conservation du patrimoine fragile et rare du territoire national : là, plus de fouilles, mais des sculptures en bois polychromes, des momies, des objets préhistoriques en bois gorgés d’eau à préserver coûte que coûte. Dans ce laboratoire, où œuvre une équipe pluridisciplinaire de restaurateurs, ingénieurs chimistes et physiciens nucléaires, (et dont tu vas certainement nous parler !), ce sont alors les travaux de sauvegarde et de conservation du quotidien, ou des sauvetages célèbres et spectaculaires, telle la restauration exemplaire du grand bateau antique d’Arles, repêché dans le Rhône et qui fait aujourd’hui la fierté de ce musée.

On pourrait croire que Christian Vernou, enfin à la retraite, mériterait de cultiver son jardin (mais sans y fouiller, le pourrait-il ?) ou de s’adonner au bricolage ? Las ! De retour dans sa Saintonge natale, on le retrouve encore motivé par l’étude, la conservation du patrimoine local, en liaison notamment avec la Société d’archéologie de la Charente-Maritime avec laquelle il a repris contact et qui est toute acquise à ce sympathique et souriant chercheur. Un dernier mot et je m’arrêterai là : le Conseil départemental ne l’a-t’il pas déjà pressenti pour superviser le sauvetage et la restauration d’une embarcation de l’Antiquité tardive, ensevelie dans le fleuve à Courbiac, tout près de Saintes ? Cela donnerait presque le tournis !

Comment croire que notre Académie ne puisse s’enorgueillir d’avoir accueilli dans ses rangs un tel passionné ? Il a redonné à notre histoire et notre archéologie régionale et nationale, qu’il a tellement participé à faire connaître, enrichir et à faire aimer, une part non négligeable de son passé noyé dans les eaux ou enfoui dans le sol.

Discours de réponse de Christian Vernou

Christian Vernou Merci aux membres de l’Académie de Saintonge de m’avoir élu parmi cette compagnie qui nous est chère. D’abord, merci à mon parrain académique, Alain Michaud, un ami de près de quarante ans, avec lequel je partage le goût pour l’Histoire et pour sa disciple sœur : l’Archéologie. Mais aussi, ce que l’on imagine moins, celui de la guitare qui nous réunissait quelquefois autour d’une partition d’Henri Salvador, nous entraînant vers les lointains de Syracuse…

L’archéologie fut sûrement la belle découverte de ma vie ; celle qui ne cessait de m’émerveiller par le caractère inattendu des découvertes matérielles qu’elle nous offre parfois, tout en me permettant un ancrage terrien, celle du terroir et des ancêtres auxquels je suis tant attaché depuis mes plus jeunes années ; Alain l’a rappelé.

Merci aussi à Bernard Mounier à qui j’emprunte le 11e siège. Je le connaissais peu mais l’importance de ses réalisations audiovisuelles, notamment celles de la chaîne régionale dont il fit un phare de l’identité locale, m’était bien connue. Quant à celles de la maison de la Culture de La Rochelle, elles épataient mon jeune destin indécis. Suivant les préceptes de mon ancien, sait-on que mes premières impulsions étudiantes auraient été vers le métier rêvé de reporter- cameraman ? Me voilà en juin 1976 à Talence, postulant à l’entrée de l’IUT de Journalisme. Plus tard, j’envisageais d’accéder à l’école Louis Lumière afin de m’initier aux principes audiovisuels. Une conseillère d’éducation du CIO de Cognac, me susurra « Faites donc Histoire de l’art ; ce sera très formateur pour vous ». Tope là ! Ce fut l’université de Bordeaux III, où Archéologie et Histoire de l’Art m’attendaient. Vous l’avez deviné, je n’ai plus jamais changé de voie, l’Archéologie m’a séduit et par l’intermédiaire d’un de mes maîtres, Louis Maurin, autre académicien bien apprécié ici, j’allais prendre racine à Saintes, la ville romaine du Centre-Ouest.

Saintes, où en 1982, les « radios libres » battaient leur plein ; je me jetais alors à corps perdu dans ce média nouveau et excitant. La musique était ma seconde passion, celle qui dut ralentir ma progression scolaire. Avoir 17 ans dans les années 70, c’était imperceptiblement, la tentation des groupes rocks, le goût des excentricités anglaises. D’ailleurs l’Angleterre m’ouvrit ses bras en 1975 et j’en fus transformé. À Bordeaux, où mes études se poursuivaient, je découvris les joies d’un groupe de jazz, passant de la guitare à la basse électriques. Puis une année, ce fut pour moi la découverte de la musique baroque, intégrant alors l’Orchestre universitaire de Bordeaux où, avec le clavecin, je m’exerçais au continuo ; du Scarlatti et ses envolées perchées à la trompette… que de souvenirs !

Le second point qui me rapproche de Bernard Mounier est notre attachement profond pour Talmont. Il en fut le maire à compter de 1995 et notre dette est grande envers lui : sauvegarde du site, mise en valeur du village, création du petit musée. Lorsque nous étions jeunes, nous aimions nous y rendre en moto depuis le Cognaçais. Nous laissions nos engins près d’un appentis et sur les murs d’un espace d’accueil, apparaissaient les photographies aériennes de Jacques Dassié, autre académicien auquel il m’est agréable de rendre hommage. Les indices de ses prospections révélaient un site exceptionnel qui fut exploré quelques décennies plus tard : le Barzan antique. Merci Bernard d’avoir su conserver l’esprit de ce village de Saintonge. C’est bien à Talmont que le slogan départemental se décline le mieux : entre « terre et mer ».

Quant à mon parcours professionnel, Alain Michaud a beaucoup dit, n’insistons pas. Précisons peut-être que mon domaine de prédilection demeure les Antiquités Nationales, c’est à dire, les traces de l’homme que l’on rencontre dans l’Hexagone. Bien entendu, j’ai été tenté d’aller fouiller à l’étranger : la Grèce, l’Égypte, que de doux mirages. Dans ma phase d’apprentissage, j’ai connu le sud du Portugal, l’Alentejo et la villa lusitano-romaine de Saõ Cucufate, l’étude des céramiques antiques de Colchester en Angleterre avec mon ami Robin, ou encore, le site côtier du Loron, en Croatie. Mais, non, je ne ferai pas ma carrière à l’étranger, il y avait tant à découvrir en France et notamment, dans la terre de Saintonge.

Mon attirance est pour le fleuve Charente ; il a livré de rares vestiges d’embarcations de toutes époques. Au musée de Cognac, j’avais pu mettre en exergue la pirogue néolithique de Bourg-Charente. Comme conservateur des musées de Saintes, j’ai accompagné les recherches subaquatiques d’Eric Rieth ; il nous a fait connaître le chaland d’Orlac du début du XIe s. ou le caboteur fluvio-maritime de Port-Berteau, daté des VIIe-VIIIe s. Plus tard, dirigeant le Service du Patrimoine du département de la Charente, j’ai encouragé les prospections des plongeurs du CNRAS, alors dirigé par Patrick Granjean. Plus récemment, Saintes s’est enorgueillie de la découverte de deux épaves de l’Antiquité tardive, sur le site de Courbiac. Bien entendu, je vais suivre l’aventure de son étude par Jonathan Letuppe et peut-être, de son prélèvement. Pour cela, l’expérience dernière de ma carrière au sein de l’Atelier grenoblois ARC-Nucléart, sera fort précieuse car de nombreux écueils nous attendent. Espérons que ma passion pour le patrimoine de Saintonge saura surpasser les difficultés et qu’un jour prochain, la petite sœur de l’Hermione d’époque romaine, fera la fierté des Saintais, au sein d’un nouveau musée d’Archéologie que nous attendons tous.

Réception d’Olivier Dubois au 22e siège de l’Académie

Discours de présentation par Christine Sébert-Badois

Christine Sébert-Badois À Saujon, depuis plus de 160 ans, dans son centre thermal créé par l’arrière-arrière grand-père d’Olivier Dubois, que nous accueillons avec plaisir aujourd’hui, on soigne l’anxiété, maladie, avec de l’eau thermale ! Dans notre monde cartésien, cela relève du défi et même d’une forme d’utopie sérieuse s’il en est puisque toutes ces générations de médecins, donc de scientifiques, se sont penchées avec succès sur la question.

Le Docteur Olivier Dubois est né en 1962 entouré, selon ses propres mots, de parents attentifs et aimants. C’est par son père, Jean-Claude Dubois, psychiatre lui-même, qu’il découvre la médecine. À 10 ans il sait qu’il veut être médecin. Suite logique, après des études médicales à Bordeaux, un internat en psychiatrie à Lille de 1989 à 1993, une thèse en 1992, un mémoire de psychiatrie en 1993, Olivier se lance dans le monde hospitalier.

Il exerce ensuite dans un service hospitalo-universitaire de l’hôpital Sainte Anne à Paris, celui des professeurs Lôo et Olié : il se dit impressionné par ses professeurs. Si la psychiatrie est le parent pauvre de la médecine, c’est une spécialité qui l’intéresse vraiment parce que plus qu’un héritage (et je tente de transcrire les mots d’Olivier), « elle permet une intimité avec les patients par la gravité des questions posées très liées avec l’existence même de l’homme ».

Le cerveau est un organe, me souffle-t-il, comme le cœur et le rein, peut-être, mais on ne le transplante pas encore…

Je m’égare : comment le docteur Olivier Dubois décide-t-il de s’installer à Saujon ? L’héritage familial, bien sûr, en 1993, Jean-Claude Dubois, son père, a 73 ans et la décision n’est pas facile. Mais il est attiré par le projet de soin et l’ambition médicale : l’idée est de se projeter dans l’avenir.
Un de ses frères, neurologue lui-même, le pousse dans cette voie.
Olivier se marie avec Caroline : ils ont quatre enfants nés à Royan (trois garçons et une fille).

Aujourd’hui, la station thermale de Saujon est la première en terme de progression (224% en 20 ans). Si parfois le thermalisme peut être mal compris par les prescripteurs, les malades s’en ressentent mieux.

Mais le Docteur Olivier Dubois complète ses activités de soignant en s’appuyant aussi sur la communication scientifique :

  • par l’écriture ou co-écriture de nombreux articles qui paraissent dans des journaux médicaux nationaux et internationaux ;
  • il participe et coordonne l’écriture de livres sur le thermalisme, en particulier Thermalisme : voie de guérison naturelle paru chez Flammarion en 2018 ;
  • il organise avec ses équipes les journées psychiatriques de Saujon avec des universitaires depuis 2004 ;
  • il coordonne un certain nombre d’études scientifiques (STOP TAG, SPECTh, Somnotherm.)

Membre de sociétés savantes, il est aussi enseignant sur le DESS de psychiatrie de Poitiers depuis 2016. Il est référent national en terme de santé mentale soignée par le thermalisme.

Très impliqué dans la transmission, il souhaite développer l’école thermale du stress. L’idée est de sevrer les malades médicamentés avec un accompagnement pour tenter de maîtriser leurs angoisses. Le but est de leur apporter des outils psycho-pédagogiques pour qu’ils dépassent leurs peurs.

Récemment, vingt-cinq lits d’hospitalisation ont été créés pour traiter la bipolarité, ce qui fait de Saujon un centre régional référent pour traiter cette affection.

En synthèse, nous pouvons dire que le Docteur Dubois a un parcours complet de soignant, de communiquant et d’enseignant dans un contexte où l’idée est de développer le soin psychiatrique et le bien être dans ce lieu emblématique familial.

Nous sommes heureux de lui souhaiter bonne chance et courage dans la continuité de cette belle entreprise et la bienvenue dans notre Académie.

Discours de réponse d’Olivier Dubois

Olivier Dubois Mesdames et Messieurs les Académiciens,

C’est un réel honneur de devenir membre de cette prestigieuse institution qu’est l’Académie de Saintonge. Je suis heureux d’y être invité, et donc choisi parmi tant d’autres, sans doute et je l’espère, pour quelques qualités et une certaine expérience, mais aussi de pouvoir pénétrer cet univers qui sera jalonné de rencontres, de découvertes, d’histoires chargées d’art, de culture et d’émotion.

Merci infiniment à chacun d’entre vous de m’y accueillir et de me faire ainsi confiance.

Merci aussi à mon amie Christine Sébert-Badois qui a manifestement joué un rôle important dans cette intronisation pour cette nouvelle Éternité.

Permettez-moi de rendre également hommage à mon père, le Dr. Jean-Claude Dubois, qui m’a précédé à ce siège et qui, par l’intérêt qu’il y a toujours trouvé, n’a fait que renforcer mon espoir de pouvoir l’intégrer un jour.

Christine m’a ainsi présenté : médecin psychiatre, Président des thermes et des cliniques de Saujon, auteur d’ouvrages, de travaux de recherche, d’enseignement.

L’ Académie a-t-elle besoin d’un psychiatre à son chevet ? Assurément non, je le précise. Ce n’est bien évidemment pas à ce titre ni à celui de médecin que je suis convié. Mais contrairement à ce que savent bon nombre de nos concitoyens, la psychiatrie est aux confins de deux types de sciences finalement très complémentaires : l’une, plus fondamentale, est portée par la connaissance, l’autre plus littéraire est à base d’humanisme. La première consiste à étudier le cerveau comme un organe en capacité de souffrir, de se dérégler, qu’il est nécessaire de soigner, comme tout autre organe ; la seconde qui intègre de nombreuses approches (sociales, psychologiques, environnementales, …) doit intégrer toutes les données existentielles pour discerner la place de chaque élément à l’origine des perturbations du cerveau. Il existe ainsi, comme chacun le sait, une immensité de logiques et de voies différentes pour tenter d’atteindre et de modifier les mécanismes du psychisme.

L’expérience m’a appris à constater qu’il ne faut pas opposer le cerveau-organe, qui peut se dérégler ou tomber malade, au même titre que le cœur ou le rein, et le cerveau-objet de relations interpersonnelles qui ressent tantôt bonheur, tantôt tristesse. Tout le mystère tient en ces deux questions : lequel des deux cerveaux entraîne-t-il l’autre dans sa chute ? Quel impact chacun a-t-il sur l’autre ?

Le médecin du psychisme et de l’âme qu’est le psychiatre, doit avant tout savoir repérer, évaluer la souffrance du cerveau et la traiter comme n’importe quel spécialiste le fait pour un autre organe, mais aussi accompagner l’individu dans sa compréhension du trouble, dans la gestion de ses émotions, et dans l’aide à donner sens à ses symptômes qu’ils soient d’ordre psychique ou somatique.

La médecine est à mes yeux, autant un art qu’une science, autant un humanisme qu’une logique, ce qui en fait son extrême grandeur et exigence.

Il est remarquable de constater que les médecins sont souvent attirés par l’art comme la culture. La culture est une ouverture ; elle a un incroyable pouvoir de subversion positive ; elle est une force de construction qui rapproche les hommes, les sort positivement d’eux-mêmes et aide à la prise de recul et à l’élévation de l’âme.

Si le choix de mon métier s’est porté vers la médecine et donc la psychiatrie, j’ai appris beaucoup de mes autres fonctions, notamment comme président des cliniques et des thermes de Saujon qui emploient près de 200 salariés. C’est une fonction exigeante qui amène autant à découvrir les autres qu’à se découvrir soi-même, notamment dans la confrontation à la difficulté et à la différence. J’ai ainsi cette chance inouïe de ne travailler que dans l’humain, qu’avec l’humain et pour l’humain. Ma vie ne vise qu’à tenter de redonner espoir à ceux qui souffrent comme à ceux qui les encadrent ; mais aussi d’adapter les soins dans un monde moderne qui, par ses progrès technologiques permanents et sa précipitation incessante ne manquent pas de précipiter toujours plus d’individus dans le découragement et la recherche de sens.

Je suis heureux à cet instant de dire l’héritage du Dr. Jean-Claude Dubois qui fut aussi bien mon père, mon conseiller, mon ami, mon confrère, et mon maître. Cet homme possédait tout à la fois un esprit scientifique, une connaissance littéraire et historique rares, mais aussi une ouverture certaine pour toute forme d’art et de culture qui l’inspiraient sans cesse ; le tout, enrichi par un sens de l’autre et une profonde humanité, ce qui est sans doute un joli pléonasme.

Je suis à la fois un peu honteux de constater que je n’ai finalement fait que suivre pas à pas son chemin, et me laisser guider par ses traces, tel le petit poucet et ses petits cailloux. Mais finalement non, je retiens plutôt, avec fierté, qu’il m’a transmis une partie de ses belles et nobles qualités.

Je ressens aujourd’hui, alors que ma carrière est bien avancée, le besoin de m’ouvrir à d’autres opportunités, à d’autres univers, à d’autres vies, régionales, bien sûr, puisque je suis resté attaché à la Saintonge où j’ai vécu l’essentiel de ma vie, hormis un intermède pour mes études d’une douzaine d’années et des pérégrinations à Bordeaux, Agen, Lille ou Paris…

Mon épouse Caroline, historienne de l’Art et artiste-peintre, m’apporte beaucoup dans cet intérêt pour l’Art. Je la remercie pour son soutien précieux dans toutes mes activités.

Il est toujours intéressant de comprendre ce qui anime et passionne toutes ces personnes qui se sont consacrées à d’autres univers. Le hasard nous a amené à un endroit, à choisir une profession, mais notre vie aurait sans doute pu être dirigée autrement et ailleurs, en fonction de nos rencontres, de nos histoires personnelles. Avec ces remises de prix annuelles par l’Académie, ces rencontres avec de belles personnalités locales (historiens, cinéastes, écrivains, peintres, scientifiques, que sais-je… ?) ne seront que des moments de bonheur : qu’y -a-t-il de plus beau au fond que de rencontrer ces artistes qui vivent leur vie avec passion, qui ouvrent l’horizon et n’ont qu’un désir : partager leur génie !

L’heure est sans doute venue, pour moi, de vivifier davantage mon plaisir à rencontrer ces êtres remplis de vie, de passion ; une passion qui est une porte ouvrant vers la compréhension, l’espoir, et même l’Espérance.