Jean Nappée pour sa monographie de Saint-Palais-sur-Mer

Rapport de Marc Seguin

Royan avait son histoire mais Saint-Palais-sur-Mer, entre la place huguenote et l’abbaye de Vaux, ne l’avait pas. Avec le beau livre de Jean Nappée, voilà une lacune comblée ; désormais nous n’avons plus seulement une belle plage et des hôtels prestigieux, mais aussi un passé ressuscité dont on ne soupçonnait pas la richesse. Docteur, vous avez beaucoup travaillé, beaucoup lu, beaucoup cherché. On devine, à la lecture des références toujours précises que vous donnez, les heures passées dans les archives, dans les bibliothèques et devant votre bureau : archives communales de Saint-Palais et de Vaux, archives nationales, archives départementales de la Charente-Maritime où vous êtes un familier des fonds de l’Amirauté de Marennes, archives de la Vienne ou de la Gironde, sans compter les multiples bulletins et autres revues où il faut chercher, souvent en vain, un détail, une précision, une piste. Le résultat est là : plus de mille ans d’histoire pour cette paroisse du Pays des Îles de Xaintonge dont les magistrats du parlement de Bordeaux redoutaient tant les émeutes. Vos lecteurs n’ignoreront rien du mystérieux port d’Anchoine ou de l’activité des marins qui connaissaient la route de Terre-Neuve, fréquentaient les côtes d’Espagne et pilotaient les navires en Gironde. Les Vidaus, seigneurs de Saint-Palais, les Lalouhé, du Vignaud, que j’ai souvent rencontrés à Bordeaux, leur seront familiers. Ils seront enfm impressionnés par l’expansion de ce bourg devenu un lieu de villégiature animé et apprécié. Comme on le fait souvent, j’ai lu l’avant-propos après le livre et j’y ai noté ce passage où vous déplorez à juste titre le saccage de tous ces témoignages que l’Histoire appelle Documents : « Chaque champ, chaque quartier avait un nom qui perpétuait le souvenir d’une famille, d’un événement ou d’un état de chose… Le cadastre Napoléon a momentanément sauvé cette toponymie locale ; mais las ! Elle disparaît de nos jours, du fait de l’urbanisation. Plusieurs de ces noms de lieux auraient pu être conservés, avec la charge de signification qu’ils comportent, s’ils avaient été donnés à nos vieux chemins et à nos nouvelles rues qui, au lieu de cela, ont reçu des noms d’oiseaux ou de fleurs qui, pour poétiques qu’ils puissent être, n’ont rien à voir avec notre histoire. » Permettez-moi de m’associer à cette préoccupation et de profiter du cadre de cette Académie pour tenter de lui donner une plus grande portée. Comment ne pas s’indigner en effet du massacre de la toponymie qu’on n’observe pas seulement à Saint-Palais mais dans les communes les moins peuplées. Avec cette agression à la fois ridicule, sournoise et parfaitement injustifiée contre un élément de ce qu’on appelle aujourd’hui Patrimoine, c’est toute une part de notre spécificité saintongeaise qui va disparaître dans l’indifférence la plus totale. Je pense aux « Chez » qu’on rencontre au sud de la Charente et qui nous rappellent le nom de ces familles venues du Poitou, de l’Anjou ou d’ailleurs et qui ont remis en culture une province dépeuplée par la guerre de Cent Ans. Mais voilà, le « Chez » fait « paysan » ; on le supprime donc ou on le remplace par une « rue des Peupliers » ou « des Acacias » qui ne conduit qu’à une maison ! Vous résumez parfaitement la situation en écrivant : « Ainsi la mémoire de notre passé s’est-elle altérée et risque-t-elle de se perdre sans qu’on y prenne garde ».

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