Réception de Christine de Ponchalon au 23e siège de l’Académie

Réception de Christine de Ponchalon au 23e siège de l’Académie

Discours de présentation par Bernard Mounier

mounier Christine de Ponchalon est une visionnaire. Très tôt elle savait, elle subodorait, elle suspectait, que l’avenir du journalisme se trouvait dans la télévision régionale. Alors que FR3 était encore dans les limbes, attendant 1983 pour devenir une chaine de plein exercice, Christine, en 1974, après des études de droit et un BTS de secrétariat bilingue à Clermont-Ferrand, entre pour un stage à FR3 Auvergne. Après le stage, elle décroche un poste de secrétaire d’édition. Elle ne devait plus jamais en sortir, de FR3, aujourd’hui France 3. Cette chaine, souvent un peu méprisée par les professionnels de la profession (bof, une chaine régionale !) mais qui enregistre imperturbablement, pour son journal de 19h, la plus forte audience quotidienne de toutes les chaines françaises à cet horaire, avoisinant 50% de part de marché. Le journal France 3 Atlantique étant crédité par exemple de 48,8 %.

Elle obtient sa mutation pour Bordeaux en 1979, afin, dit-elle, de se rapprocher de l’océan et de voir une grand ville, au temps de Chaban-Delmas. Elle y prépare le concours de l’IUT de journalisme, est reçue en 1987. Mutation à Paris, souhait de revenir le plus vite possible en région, poste à Orléans, puis,  en 1989, à Poitiers,  porte ouverte sur la mer : elle s’y plait, elle y est encore,  elle a désormais sa maison à La Rochelle, elle fait parfois des remplacements au bureau de Royan, elle est depuis des années la voix de la culture sur France 3 Poitou-Charentes.

A Poitiers, elle s’était d’abord spécialisée dans les reportages agricoles, personne ne voulant s’en occuper. Bonne façon de prendre le pouls de la France profonde, allant au salon de l’agriculture à Paris, avec passage obligé aux stands des Antilles et cure de ti ‘punch. Labourage, élevage, moissons et vendanges, avant qu’une consœur déterminée ne veuille prendre le poste.

Elle le lui cède volontiers, s’orientant vers des sujets patrimoniaux, historiques, littéraires, musicaux… C’était l’époque glorieuse des magazines de 13’ réalisés par les journalistes, une possibilité de fouiller un sujet, d’entendre les témoignages, de montrer des images d’action. En 2015, le même sujet doit exister en 1’1/2, rentabilité et suppression de personnels obligent. Et malgré tout, placer la culture dans un journal fait toujours  l’objet de lutte d’influence  entre les journalistes, ceux d’entre eux traitant de politique ou d’économie ayant souvent tendance à occuper l’antenne en priorité. Pourtant, ils devraient savoir que la culture, en France, avec près de 60 milliards de valeur ajoutée par an,  contribue au PIB français 7 fois plus que l’industrie automobile ! Pourtant combien de jeunes compagnies, de comédiens, de musiciens, d’artistes, d’associations doivent au journal régional de France 3, l’éclairage mérité qui les a fait connaitre.

Christine, depuis plus de 15 ans, a réalisé des centaines de reportages culturels en Poitou-Charentes : festivals de Saintes, d’Angoulême ou de La Rochelle ; les écrivains et les peintres, Chardonne, Loti, Balande, Maresté ; découverte des châteaux, manoirs, logis, abbayes, l’architecture des années 50 à Royan, génialement commentée par Gilles Ragot… Mais aussi les pêcheurs de l’estuaire, les ostréiculteurs dans la brume sous le pont de la Seudre par un hiver glacial, le portrait d’un homme fabricant de la jonchée, émouvant de modestie…

Parfois aussi l’occasion de se lancer dans un travail dont l’ampleur provoque la passion. Ainsi, la couverture des rencontres franco-acadiennes dans les provinces atlantiques du Canada, l’histoire des filles du Roy racontée par une jeune comédienne en Nouvelle Ecosse, l’émotion d’un natif du Nouveau Brunswich retrouvant le nom de sa famille sur l’enseigne d’un marchand de cycles à La Rochelle. De même, Christine conserve un souvenir marquant de sa mission pour l’anniversaire des plages du débarquement : départ à 2h. 30 du matin dans une jeep, avec des Gi’s en armes comme dans les films, le brouillard qui se lève peu à peu révélant deux énormes bateaux de guerre américains à Omaha Beach et soudain l’apparition de Busch, Poutine, Chirac serrant la main à des vétérans indiens.

Christine fait un métier formidable. Etre journaliste dans une station régionale demande une curiosité généreuse, un sens du contact, une compétence sans faille, une modestie géniale dans l’action. La journaliste en région passe rarement à l’antenne, laissant l’image à ses interlocuteurs. De Christine on n’entend que la voix. Mais une voix haut- parleur, célébrant les mérites culturels du Poitou-Charentes et de la Saintonge. Il se trouve que la mission que s’est donné Christine, soutenir la vitalité de la culture régionale, valoriser de nouveaux talents, attirer l’attention sur les œuvres méconnues du passé, recoupent les termes mêmes que nous employons pour présenter l’action de l’Académie. Christine de Ponchalon avait ici sa place, peut-être ses dons de visionnaire la lui avaient ils indiqué avant ce jour : bienvenue chère collègue et vive la télévision régionale !

Discours de réponse de Christine de Ponchalon

Christine-de-Ponchalon C’est un grand honneur qui m’est fait de succéder à Jean Flouret. Professeur agrégé de lettres,  co-fondateur et président de la Société d’archéologie et d’histoire de l’Aunis, président de la Fédération des sociétés savantes de Charente-Maritime, entre autres. Il me faudrait beaucoup de temps pour énumérer ses nombreux titres, et je me sentirai ensuite en état d’infériorité, moi qui n’en ai aucun, qui n’ai rien crée ni fondé de durable.

Mais il y a quelques signes, ô combien ténus qui me rassurent de manière irrationnelle. Jean Flouret  occupe le 23ème siège de l’académie de Saintonge. Je suis née un 23 août ? J’ai passé les dix huit premières années de ma vie dans la maison familiale située au 23 d’une rue de la vielle ville du Puy-en-Velay : la maison de mon père, mon grand-père, mon arrière grand-père. J’ai rencontré mon mari un 23 août. C’est un chiffre rassurant. Je l’ai parfois joué au loto, Cela n’a jamais rien donné. Mais, c’est encore un chiffre qui me plaît bien.
Donc le 23ème siège. Il va falloir m’en montrer digne. Pas facile. Si Jean Flouret et les illustres membres de l’académie de Saintonge œuvrent dans la durée,  depuis près de quarante ans je travaille dans le périssable, le volatil. Et je remercie Bernard Mounier de son indulgence, et aussi de son habilité à me parer des plumes du paon. J’ai conscience de la modestie de mon métier et de ma production.

Car je produis des reportages. Je n’ose pas dire je crée, jour après jour pour les journaux télévisés. Il n’en reste même pas une trace sur papier. Que dire aujourd’hui avec internet. Aussitôt affiché sur la toile, aussitôt poussé vers le vide.  Le Moloch de l’information dévore à la chaîne des reportages d’une minute et quelques secondes avec un appétit insatiable. Les bons, les moins bons avec une égale voracité. Pourtant,  un grand  nombre de mes confrères  et moi-même sommes des gens consciencieux . Nous essayons d’intéresser ceux qui nous regardent. Même si c’est d’un œil et d’une oreille distraits au moment du repas du soir. Comment attirer l’attention, la conserver à l’heure du pastis, et des enfants bruyants. Pas d’illusion ceux là ne nous regardent guère, pourtant nous essayons de les amener à nous.
Je vais donc tenter de vous expliquer comment on tente de capter  le téléspectateur.

C’est avec l’accroche du  sujet. Si l’on se sent l’humeur conquérante, on l’appelle l’attaque. Elle est faite pour donner un petit signal à celui qui a un poste de télévision allumé près de lui. Par hasard souvent. L’accroche aujourd’hui, c’est la première phase d’un roman d’hier, le premier vers d’un poème d’avant hier. Une phrase ou un paragraphe court, travaillé pour séduire et retenir.

Longtemps je me suis couché de bonne heure, A la recherche du temps perdu, bien sûr.
C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar. Salammbô.

Une douzaine de mots doivent suffire pour intriguer, capter l’attention, créer une ambiance : La nuit dernière, j’ai rêvé que je revenais à Manderley, Rebecca. Ce sont là des références littéraires, En télévision, média populaire, il faut prendre garde à ne pas être pédant, mais il faut trouver un balancé, des allitérations accessibles à chacun, une évocation.

L’estomac noué par l’appréhension, des générations de petits garçons ont franchi la grande porte de Saint-Joseph, une première fois, un matin de rentrée …Première phrase, accroche, d’un magazine tourné par moi à Poitiers  avant la fermeture de cette institution des pères jésuites. Saint-Jo, il n’y a pas une famille de la Vienne qui la connaisse, même le président de la région Poitou-Charentes a fait ses études chez les Jèzes ».

Tout autre chose : Dans la France paysanne de 1914 travaillent 3.200.000 chevaux, ânes, mulets, en 1918, il en reste moins du quart …C’est là le début d’un sujet sur un spectacle équestre retraçant les horreurs de la guerre et le massacre des animaux dont personne ne parle.
Dans l’accroche, le journaliste se fait aussi un peu plaisir. Parfois on ne résiste pas à laisser pointer un peu d’érudition. Tout en se doutant bien qu’on se heurtera à un mur d’incompréhension, et pas seulement des spectateurs.

Une paraphrase de Talleyrand : Qui n’a pas connu les années 50 n’a pas connu la douceur de vivre.  Si Sébastien, Le Prestre, marquis de Vauban, avait pu s’élever en montgolfière, il aurait eu confirmation depuis le ciel le la perfection de son œuvre …Début d’un magazine sur  le classement de l’œuvre de Vauban au Patrimoine mondial de l’Unesco. Plus précisément sur la citadelle de Saint-Martin-de-Ré, et son plan en étoile, encore intact. Enfin pour terminer, l’accroche s’appuie sur l’image. Dans le cas précité : des vues aériennes du plan géométrique de la citadelle, le village blanc, l’océan bleu profond. Car la télévision, c’est l’image, et nous travaillons à deux sur le terrain avec un journaliste reporteur d’images, et même à trois, avec le monteur, sans qui il n’y a pas de sujet. Il peut saccager le tout, ou sublimer le travail des journalistes.

Voilà. Quand vous serez parfois devant l’étrange lucarne, c’est ainsi que Malraux appelait la télévision, soyez attentif à l’accroche. Certains y excellent, d’autres, pour employer un langage commun se plantent ou tombent  à côté. Mais regardez-nous et écoutez nous.

Je dédie ce petit discours à mes amis de France3 présents dans la salle, de la vieille école, la bonne. Et à mon mari, qui m’écoute peut-être de là haut. Il a été pensionnaire à St-Jo à l’âge de huit ans. C’était dur, il se sentait abandonné, mais  il paraît que la pension  forgeait des hommes. Pas sûr !

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