Panorama de l’année culturelle Saintongeaise en 2013
Discours d’ouverture de Marie-Dominique Montel, directrice de l’Académie de Saintonge
Mes chers collègues, mesdames et messieurs les élus, mesdames et messieurs les représentants des institutions culturelles et de la presse, chers amis de l’Académie de Saintonge (et cette dernière catégorie regroupe bien entendu les précédentes …), je suis heureuse de déclarer officiellement ouverte cette cérémonie des prix de l’Académie de Saintonge
Mon prédécesseur François Julien Labruyère avait l’habitude d’ouvrir cette séance publique par un « Panorama de l’année culturelle saintongeaise ». J’ai souvent trouvé cette tradition un peu intimidante mais je voudrais la reprendre pour vous parler d’un évènement qui ne vous a pas échappé : Votre académie de Saintonge tient sa cérémonie annuelle un peu plus près de l’océan que les années passées. Je tiens à remercier particulièrement monsieur le maire de Royan pour son accueil et son soutien ; et souligner qu’il est depuis toujours un fidèle de nos réunions publiques. Je voudrais aussi saluer tous ceux qui ont fait le chemin de Saintes à Royan, tout spécialement monsieur le maire de Saintes dont j’apprécie l’amicale présence parmi nous.
Je voudrais enfin, à l’intention des nouveaux venus, profiter de l’occasion pour vous présenter notre académie et ses missions. En apprenant que nous ne viendrions pas à Saintes cette année, l’un de nos anciens grands prix, résidant à Saintes, nous a écrit dans Sud-Ouest un lettre ouverte d’amoureux déçu. Mais comme souvent les amoureux, il était un peu aveuglé par sa passion et sa vision de notre Académie ne correspond pas vraiment à notre réalité. Pour notre part nous adhérons totalement à la définition qu’en donne notre collègue et ami Jean Mesnard, avec sa précision d’universitaire et de membre de l’académie des sciences morales et politiques dont il a été le président. Jean Mesnard, qui recevait, l’hiver dernier, les insignes d’officier de la légion d’honneur, a prononcé sous la coupole, devant un parterre d’académiciens et d’amis, un discours où il mentionnait son appartenance à l’Académie de Saintonge avant de définir ainsi la fonction des académies dans notre pays :
« Il ne suffit pas de dire que la science ou, plus généralement, la connaissance sont l’objectif des académies » explique t-il, il faut encore comprendre comment. Et il précise « en réalité, le travail académique lui-même s’opère par le dialogue, par l’échange d’informations, en somme par la communication. Enfin et surtout, la tâche des académies est moins de créer le savoir que de le juger, de le susciter et de le diffuser : ce qui est encore communiquer. »
Susciter, diffuser, communiquer, dit Jean Mesnard. Dans le réseau des Académies de France, avec, au sommet l’Académie française. Il y a un an, quand Madame Danièle Sallenave, membre de l’Académie française, est venue en habit vert inaugurer officiellement nos travaux , ils se sont tenus sous sa présidence. Son discours a rappelé à tous, et en particulier aux 25 membres de l’Académie de Saintonge, quel était notre rôle. Contrairement à ce que certains imaginent, nous ne sommes pas les gardiens du langage. Les mots, leur entrée officielle dans la langue française, leur définition, ou parfois leur éviction restent du domaine exclusif de l’Académie française.
En revanche ici, nous sélectionnons et récompensons chaque année ceux qui en font le plus bel usage, dans les domaines des sciences, du patrimoine et de la culture. Qu’ils s’expriment en français ou dans le parler de chez nous, parler qui nous est cher et dont nous primons et soutenons les représentants.
En réalité l’académie française conserve la tâche la plus aride, le dictionnaire, alors qu’elle nous laisse la liberté et le bonheur de nous occuper de la gloire. Là, nous sommes à notre affaire. Vos académiciens de Saintonge travaillent pour la gloire… Aux deux sens de l’expression d’ailleurs !
On évoque plus souvent aujourd’hui la renommée, la notoriété, la réputation ou la promotion. Avec sa trompette, la renommée, c’est intéressant mais c’est moins flamboyant que la gloire. Quant à la notoriété, elle n’est pas toujours honnête, la réputation pas forcément bonne, et promotion sent un peu la fin de saison.
Je me suis donc reportée au Dictionnaire de la conversation et de la lecture: inventaire raisonné des notions générales les plus indispensables à tous. (Tome dixième. Paris, Firmin Didot, frères, fils, 1859), et j’y ai lu ce qui suit : « Qu’est-ce donc la gloire, cet attribut de la divinité, que l’homme a voulu rapetisser à sa taille mortelle, elle, dont la majesté et la durée n’a point de limites? La gloire est plus que de la célébrité; car la célébrité est éphémère, contestable, et s’attache aux bonnes comme aux mauvaises actions; et la gloire, qui serait passagère, contestable, ou établie sur des bases contraires à la morale, cesserait de porter ce beau nom; la gloire est plus qu’un concert de louanges et d’estime, qu’une admiration enthousiaste, car elle pourrait alors être l’ouvrage d’une camaraderie adulatrice. La gloire d’un citoyen, c’est-à-dire cette renommée inattaquable qui donne durant des siècles une puissance prodigieuse et un noble retentissement à son nom, doit être pure et brillante comme le disque du soleil »
Voilà donc ce que dit le Dictionnaire de la conversation et de la lecture: inventaire raisonné des notions générales les plus indispensables à tous. Et voilà quel est notre fonds de commerce comme il était jadis celui des artistes, des musiciens en particulier. Pour célébrer la gloire divine, les rois leur commandaient des Gloria et pour remercier le Seigneur de la gloire qu’il avait bien voulu leur accorder, ils leur commandaient des Te Deum. Parfois une révolution se produisait. Alors, pour les enfants de la patrie, le jour de gloire arrivait, comme une personnification triomphante et musicale de la République.
Cette gloire aérienne a aussi été représentée par les peintres et par les sculpteurs. Le dictionnaire que je citais plus haut le mentionne. Précisons qu’en tant que charentais nous avons en ce domaine des compétences indéniables. Comme vous l’indiquera tout bon manuel d’art baroque religieux, les gloires sont des sculptures en forme de rayons dorés, étincelant au milieu de nuages, semblables à un coucher de soleil sur la mer au large de Royan. Non seulement nous avons le modèle sous la main, mais nous savons très bien fabriquer des gloires en cas de besoin. Les nôtres brillent évidemment sur l’océan. Elles sortent de nos arsenaux, de celui de Rochefort en particulier. C’est l’un des noms les plus fréquemment donnés aux navires. Ainsi, la sœur de l’Hermione de La Fayette, une frégate, s’appelait La gloire et le premier cuirassé à coque en fer, celui qui a rendu pour une fois les anglais jaloux de la marine française en 1859, se nommait la gloire également.
Ensuite, cela se complique un peu et j’ai dû demander l’aide de notre collègue Marc Fardet qui a dirigé les archives de la marine à Rochefort pour comprendre la curieuse mention de « gloire à plusieurs étages » qui figure dans les descriptions des bateaux de l’époque de Louis XIV. Marc n’a pas tardé à me répondre. Il s’agit m’a-t-il expliqué d’ornements de poupe que l’on voit nettement sur certaines maquettes conservées au Musée national de la Marine. Leur poupe est magnifiquement sculptée de haut en bas, d’une « gloire à plusieurs étages », pour reprendre l’expression. Il était spécifié aux constructeurs que la décoration des vaisseaux devait faire « esclatter sur mer la magnificence de Sa Majesté ». Sur Le Soleil royal, le splendide navire amiral construit en 1669 avec ses 104 canons de bronze, la réalisation de cette gloire à étages a été confiée à Antoine Coysevox, l’un des artistes préférés de Louis XIV. Taillées par le sculpteur en plein cœur de chêne puis dorées à l’or fin, les statues des renommées qui ornent toute la poupe, s’étagent là encore de haut en bas…. afin d’illustrer, et de représenter la magnificence de sa majesté. Le navire devait incarner toute la gloire du Roi Soleil.
J’espère que ces quelques exemples et ces précisions seront utiles aux lauréats de l’Académie de Saintonge pour les aider à se sentir aujourd’hui auréolés de Gloire et même d’une Gloire à plusieurs étages pour notre grand prix.