Réception d’Alain Braastad
L’honneur me revient d’accueillir Alain Braastad, notre nouvel académicien. Qui est Alain Braastaad? (Merci Michel Danglade, votre humour m’a toujours enchanté et à vue de nez, je ne suis pas le seul à le ressentir… Et bienvenue à vous, Monsieur le nez, nous sommes très heureux de vous compter dorénavant parmi nos collègues. Votre message sur les dangers que court l’identité charentaise à travers les abandons que subit son cognac a été, j’en suis sûr, parfaitement entendu. J’ignorais que Saintes avait eu avant Cognac l’idée d’un classement des crus dont elle aurait été le centre. Vous nous avez brillamment parlé des frontières de la Saintonge, de cette Guirlande que vous aimez tant, vous auriez pu tout autant nous vanter le Né qui sépare les deux départements de la Charente! Pour nous, vous le savez bien, la Saintonge possède une frontière élastique : plus on l’étend en s’y rattachant comme vous avec le cceur et la passion, plus nous en sommes fiers… Monsieur le Saintongeais de bordure, monsieur le Saintongeais de la Guirlande, je suis certain que vous aiderez l’Académie à avoir du nez dans le choix de ses distinctions. Établir un palmarès ne nécessite certes pas que du nez, mais pour le pays charentais, se tremper à l’odorat du cognac est toujours signe de talent. François Julien-Labruyère) |
Hommage au Chanoine Julien SALAÜN par Alain Braastad
(II est temps de passer au second acte de notre réunion, un acte empreint de tradition, puisqu’il consiste en la réception d’un nouveau membre. C’est chaque fois une émotion pour nous que d’élire un nouveau collègue, bien sûr parce que cela signifie qu’un de nos anciens a disparu, mais aussi parce que chaque académicien représente une partie de l’ensemble et que, comme un corps, nous ne sommes nullement indifférents à chacune de nos parties. Recevoir un nouveau est donc un moment important. Un moment public qui fait suite à une série d’échanges privés destinés à s’assurer que le futur académicien fera honneur à la compagnie. Avec Alain Braastad, c’est toute la légende du cognac qui vient à nous. Nous en sommes évidemment très fiers. Monsieur des chais, monsieur du verre tulipe, monsieur de l’acquit jaune d’or, monsieur de la part des anges, Michel Danglade dira tout à l’heure le grand plaisir que nous avons à vous accueillir, mais il vous reste un dernier pas avant d’être officiellement reçu, l’hommage à votre prédecesseur.F. Julien-Labruyère)Puis-je commencer par remercier Michel Danglade d’avoir pensé à moi comme à un éventuel candidat puis d’avoir, avec je ne sais quels arguments, su vous convaincre, vous ses amis, que j’étais digne d’entrer dans votre Académie. J’en suis touché et extrêmement honoré mais je me demande si j’ai vraiment les qualités requises et ce que je vais pouvoir vous apporter. Je ferai naturellement mon possible pour occuper dignement ce fauteuil, celui de Pierre-Henri Simon puis du père Julien Salaün.
Qu’attendez-vous d’un Jarnacais ? Non je ne vais pas vous raconter l’histoire du coup, non je ne vais pas vous parler de la bataille et encore moins du cimetière des Grands’Maisons. C’est que je ne suis ni écrivain, ni poète, ni homme de lettres, ni journaliste, ni professeur, ni archiviste, ni diplomate, ni ecclésiastique, bref tout ce qui forme normalement le vivier de toute bonne académie. On m’a dit que la vôtre se voulait être un jury à l’ouverture d’esprit la plus large possible pour promouvoir notre identité régionale et tout ce qui se fait de mieux dans notre région; puis-je suggérer que nous devrions peut-être aussi, pour mieux protéger notre patrimoine, juger et faire savoir ce qui s’y fait de plus mauvais et qui est une contre-illustration de notre région : un « prix d’horreur » en quelque sorte. Première originalité donc dans cette digne assemblée, je suis un commerçant ou plus exactement un « négociant », ce qui dans le Cognaçais voulait dire exclusivement le chef d’une maison de cognac. C’est de nos jours une espèce en voie de disparition et l’on nous compterait aujourd’hui presque sur les doigts d’une main. Je vous en dirai plus tout à l’heure à ce sujet. Mais notons cependant que je dois être l’un des premiers de cette profession dans votre Académie malgré la place que tient le cognac dans notre économie régionale. Deuxième originalité dans cette Académie de Saintonge, je ne suis pas un vrai Saintongeais, tout juste un Saintongeais de bordure. Si, cher directeur, vous acceptez cette appellation non contrôlée qui dans une carte académique et remaniée des crus, prenant Saintes pour centre, (ils ont osé en faire une au siècle dernier, signée Lacroix et datée d’avril 1854) j’aurais été un Saintongeais tout juste « ordinaire » ou même « commun » et pour quelqu’un qui ne travaille que la Grande Champagne, ce n’est pas évident à accepter. Troisième originalité, je ne travaille pas de mes mains comme vous tous mes nouveaux confrères, je ne vis pas de ma plume ou de mon pinceau, ce qui semblerait encore une fois normal pour un académicien. Non je vis principalement de mon nez et éventuellement de ma bouche mais qui elle simplement confirme ce qu’aura pu m’annoncer mon appendice nasal. Pour certains philosophes ancien le toucher, l’odorat et le goût étaient des sens bassement matériels raccordés au ventre alors que la vue ou l’ouïe étaient plus nobles puisque rattachés à la tête, donc à l’esprit. Ne soyez donc pas étonnés si vous m’en voyez relativement dépourvu. Quatrième originalité, je m’intéresse à de nombreux sujets, mais qui sont bien rarement des sujets de conversation de salons. Ainsi je suis ignare en ce qui concerne les règles, la technique ou les hommes du sport ou des sciences mécaniques, mais passionné des choses de la nature, je peux vous dire de quel oiseau provient cette coquille d’oeuf trouvée en bordure du chemin, la différence entre l’ophris abeille et la scolopax qui sont deux de nos petites orchidées locales. Autre spécialité plus originale, je connais aussi le nombre d’enfants du sieur Pierre Viaud, tonnelier, né à Jarnac en 1709 : il en eut 28 en 45 ans avec seulement deux femmes dont 5 Pierre, 5 Élisabeth et 4 Anne et les autres. Je peux faire défiler tout Jarnac comme ça depuis plus de trois siècles. C’est de la généalogie, de l’histoire locale, bref je suis fou de jarnacaiseries et tout ce qui tourne autour. Cinquième originalité et non la moindre puis je m’arrêterai là. On demande à un huguenot de faire l’éloge de son prédécesseur à l’Académie et celui-ci se trouve être un prêtre papiste. Un comble ailleurs, normal ici car la tolérance se doit d’être un trait du Saintongeais, un trait pour ainsi dire obligé, car toute bonne famille saintongeaise qui se respecte a toujours quelques ancêtres réformés dans son lignage. Je reprendrai ce que j’ai appelé mes originalités en souhaitant, ce que je ne doute pas un instant compte tenu de votre civilité, qu’elles deviennent rapidement, parmi vous mes chers confrères, des complémentarités. Je commencerai par le négociant. On parle actuellement beaucoup d’une viticulture en crise, d’une nécessité évidente d’évolution vers plus de professionnalisme, de meilleure gestion, d’une surface plantée minimale par exploitation, de rentabilité, de quota de production, bref d’une prise de conscience qu’une propriété se dirige comme une entreprise, que tout ce qui peut être produit n’est pas automatiquement vendu, que si l’on produit plus que ce qu’on peut logiquement vendre il ne faut s’en prendre qu’à soi-même et que de toutes façons seuls les meilleurs et les plus performants survivront. C’est l’évidence, mais qu’elle est dure à accepter ! On parle donc beaucoup des problèmes de la viticulture, mais analysons ce qui s’est passé ces vingt dernières années dans le négoce: disparition de presque toutes les maisons de famille, puis disparition de presque tous les services, les centres de décision ont quitté Cognac et sa région, les multinationales ne laissant à Cognac que les seuls organes de production. Mes collègues ne sont plus des chefs de maison mais ils sont devenus de super maîtres de chai et des organisateurs de visites guidées : vive les petits trains ou les bateaux-mouche. Plus de département marketing, plus de service vente, plus de financiers, ils ne connaissent même plus leurs agences dans le monde. On leur demande des économies, des résultats et ce qui est gagné part à la maison-mère. Imaginez quelle perte en hommes, en intelligence, en argent et en influence pour la région. Et ce n’est pas fini, pour la première fois une des bases de la déontologie cognaçaise a été bafouée. Car en plus d’une législation très contraignante, Cognac s’était forgé ses règles, plus astreignantes encore que la législation. Depuis 1791, notre premier commandement était : « Tu ne vendras pas sous ton nom autre chose que du cognac », le second étant « Tu ne mélangeras pas ton cognac avec autre chose ». Maintenant on vend du cognac mixé à de la noisette, du raisin, du fruit de la passion, du kiwi, du thé, du gingembre, de la bière, de la vodka, on vend du cognac blanc qui n’a pas vieilli en fûts de chêne, de tout et n’importe quoi, même du whisky mais, et c’est ce qui est nouveau, ces produits voudraient être vendus sous nos plus grands noms commerciaux, ceux qui ont fait la réputation du cognac. Des noms qui n’ont dans le passé vécu que pour et par le cognac, qui sans le cognac ne seraient pas devenus ce qu’ils sont mais sans qui le cognac serait resté au rang d’une simple spécialité régionale, sans cet énorme renom international, fruit de trois siècles de labeur incessant. Sous peu, les noms resteront mais le cognac de base sera remplacé par un alcool de substitution moins onéreux. « Notre nom nous appartient et nous en ferons ce que nous voudrons », disait récemment un dirigeant d’une des plus grandes entreprises, j’ajouterais qu’il aurait dû dire plus exactement : « Notre nom ne nous appartient plus et nous en ferons ce que l’on nous dira d’en faire », car les vrais responsables ne sont plus cognaçais. Les grands ancêtres doivent se retourner dans leur tombe. Certes il est bon d’innover mais à la condition de ne pas toucher à la qualité et au prestige du cognac. Diplodocus Compniacensis ou Ajarnaciensis résistera car il est spécialisé dans ce que l’on fait de mieux dans le cognac, ses clients sont exigeants et il restera toujours de petits marchés dans le monde pour la très grande qualité. Mais ce n’est pas lui qui écoulera les dix millions d’hectolitres de vin produits annuellement dans le plus grand vignoble de vin blanc du monde. Je passe vite car le sujet n’est pas spécialement drôle, il est même dramatique. Si l’un des buts de notre Académie est la sauvegarde de l’identité régionale, du patrimoine et de la culture (je ne parle plus de vigne) de notre région, alors oui il faut se pencher sans tarder sur notre produit, le cognac est un chef d’oeuvre en péril, il a besoin de protection, mais je ne pense pas que la nôtre suffira. On a souvent dit qu’il y avait comme une incompatibilité entre les préoccupations intellectuelles et le commerce du cognac, ce qui est naturellement une hérésie mais il est bien vrai que le négoce du cognac n’a laissé que peu de trace côté érudition. Il faut dire que le métier est lui-même passionnant et très accaparant entre la vie de la Maison et les voyages autour du monde. La politique a peut-être davantage tenté les plus importants. Il est remarquable que ce soit surtout ceux qui cherchaient à vendre de la belle qualité, plutôt que de la quantité, donc chez les plus petits, que l’on retrouve dans ce milieu : chez Les Pellisson ou Marchadier à Cognac, Mestreau ou Martineau à Saintes, les Delamain à Jamac. Saintongeais de bordure ? En effet vous m’avez tiré du fin fond oriental de l’ancien évêché de Saintes. Jamac a déjà donné à votre Académie l’avenante jhavasse Odette Comandon ou l’aquarelliste et écrivain distingué Michel Danglade mais pour me trouver il a fallu remonter encore un peu plus le fleuve, car je vis en amont des moulins de Jarnac. « Le Cognaçais, c’est une partie de la Saintonge rattachés à l’Angoumois pour former la Charente sous la Révolution », lit-on trop souvent. L’histoire est beaucoup plus complexe que cela. Religieusement, Jarnac a bien toujours formé une paroisse et même un archiprêtré de l’ancien évêché de Saintes, bien que son prieuré dépendît de Saint-Cybard d’Angoulême. Nos origines profondes sont donc bien saintongeaises. Nous dépendions aussi, mais seulement depuis 1694 de la généralité de La Rochelle alors qu’Angoulême dépendait de celle de Limoges. Mais Jarnac jusqu’au début du XVIIe siècle avait sa propre élection rattachée à Niort en Poitou. Judiciairement, après avoir été dans la sénéchaussée de Poitou, Jamac est passée dans la sénéchaussée d’Angoulême qui dépendait du parlement de Paris, tout comme l’Aunis d’ailleurs, alors que Saintes dépendait de celui de Bordeaux; là nous différons fortement, car Bordeaux a été redoutable, par exemple contre les Réformés. Nous disons que nous sommes de l’Angoumois saintongeais, ce qui nous permet de mieux conserver notre personnalité propre tout en assurant une certaine communauté d’intérêt des deux côtés. Connaissez-vous la limite orientale de votre Saintonge, la frontière avec l’Angoumois sur un vingtaine de kilomètres ? C’est de nos jours un charmant petit ruisseau dénommé la Guirlande qui se jette dans le Bassigeau, petit bras de la Charente à quelques kilomètres à l’est de Bassac. À l’époque du cheval, la Guirlande au joli nom était une vraie frontière naturelle, et jusqu’à la Révolution elle est restée la limite orientale du diocèse de Saintes, celle de la généralité de La Rochelle et celle de l’importante seigneurie de Jarnac. C’est le long de cette belle guirlande que l’arrière-garde des troupes du prince de Condé s’est fait rattraper et a eu son premier heurt avec les troupes royales en mars 1569. La première des deux gravures de Tortorel et. Perissin illustrant la bataille de Jarnac nous en rappelle le souvenir. Moi qui ne voulait pas parler de la bataille ! Cette Guirlande encore pour laquelle les topographes ont souligné sa terminaison en « ande » qui indiquait chez les celtes la limite d’un territoire. C’est donc une bien vieille frontière, nous sommes bien de la Saintonge. Mon outil de travail : le nez. Ainsi tous les matins, lorsque je ne suis pas en voyage, nous nous réunissons dans une salle spécialement aménagée, toujours la même, que nous appelons la salle de dégustation. Attention, pas d’injure, ce n’est surtout pas un laboratoire ! Silence, je passe lentement mon nez au dessus d’un verre tulipe en cristal qui contient quelques centilitres de cognac, toujours le même verre, et j’essaie d’analyser le contenu du verre, ses composantes, ses caractéristiques, son âge afin d’en déterminer le prix, s’il a le style que nous recherchons, son évolution possible, etc. Dix verres maximum. On ne peut pas déguster seul non plus, mais les dégustateurs doivent être toujours les mêmes. Notre vocabulaire est beaucoup moins fleuri que celui du vin; chez nous pas de cuisse tendre ou de robe soyeuse. Pourquoi cette constance dans l’environnement? Simplement pour bien retrouver nos marques, pour ne pas être influencé, dérangé par quelque chose de nouveau, nouvelle odeur, nouvelle lumière, bruit incongru qui viendrait troubler notre concentration. Pourquoi le nez? Simplement parce que l’eau-de-vie est à pleine force et qu’elle ne pourrait pas être mise en bouche en l’état. On peut certes la réduire en ajoutant un peu d’eau dans le verre, mais pour nous c’est le nez qui est important, nous travaillons là comme des parfumeurs, éventuellement la bouche viendra en confirmation. Nous recherchons à développer la mémoire du nez, c’est un outil formidable que la nature a mis à notre disposition et dont nous ne nous servons plus assez. Mais tranquillisez-vous, je n’en suis pas encore comme ce voyeur de Démocrite qui pouvait, dans les rues d’Abdère de la Thrace antique, différencier les vierges des épouses qu’il croisait par les effluves qu’elles dégageaient à leur passage. Je n’insisterai pas sur ce sujet qui pourtant je le sens bien vous intéresse. Vous savez que pour un vieux cognac, le fut de vieillissement, le chai de vieillissement, le temps de vieillissement sont aussi importants que la jeune eau-de-vie elle-même que l’on met à vieillir, ce sont eux qui entraînent cette complexité extrême, cette individualité, qu’on retrouve dans une vieille eau-de-vie, mais il faut cependant au départ que le cognac sortant de l’alambic soit parfait. Les défauts ne se corrigent pas, ils ne peuvent que s’amplifier avec l’âge, on m’a dit que c’était la même chose chez les hommes. Je ne développerai pas davantage les hobbies qui meublent mes loisirs puisqu’on pourrait croire qu’ils me prennent plus de temps que ceux que je donne à mon travail et terminerai en vous parlant de mon prédécesseur à ce fauteuil, le père Julien Salaün qui lui-même avait succédé à Pierre-Henri Simon, membre fondateur puis président de notre Académie. Julien Salaün est né à Lorient en 1905 dans une famille profondément catholique; son frère aîné, son modèle, embrassera lui aussi l’état sacerdotal. Il passe sa prime jeunesse en Bretagne puis sa famille vient s’installer en Saintonge en 1916. Cette Saintonge, « terre de lumière et de sagesse » qui deviendra sa terre d’élection et fera de lui un Charentais de coeur. Il fait ses études secondaires au collège de Recouvrance, époque à laquelle il commence à se passionner pour l’histoire et l’archéologie, puis il entre au Grand Séminaire de La Rochelle. En 1929, il est ordonné prêtre. La Charente-Maritime sera son champ de sacerdoce : Rochefort, Geay, Romegoux, La Vallée, La Genette à La Rochelle, Saint-Laurent-de-la-Prée où il est depuis 1936. Mobilisé en 1939, il est fait prisonnier avec son unité. Il s’évade en janvier 1941, rejoint la France Libre puis l’Afrique du Nord, Blida en Algérie. De 1942 à 1945, il participe aux campagnes de Tunisie, d’Italie, de France et d’Allemagne. En Italie, il est présent à la prise du Mont Cassin, accompagnant ses hommes sous le feu des batteries ennemies. Là, le sacrifice des jeunes va le marquer pour toute sa vie. Remarqué par la force de ses convictions et par son intelligence, il devient l’aumônier particulier du général de Lattre de Tassigny et finit la guerre aumônier principal de la Première Armée. Une vie militaire brillante, récompensée par la Croix de guerre avec quatre citations pour sa conduite au front, la médaille des Évadés, la Légion d’honneur. Après la Libération, déclinant une carrière toute préparée dans l’armée, il revient à Saint-Laurent-de-la-Prée. En 1946, il est prêtre au Château-d’Oleron, archiprêtre de Marennes de 1949 à 1958, puis de Saint-Louis de Rochefort dont il démissionne en 1980. Ses dons naturels d’orateur et sa grande culture l’entraînent à faire de nombreuses conférences sur ses souvenirs militaires ou sur des sujets littéraires. Prédicateur éloquent et recherché, il est appelé à prêcher à l’extérieur : il fera vibrer les voûtes de Notre-Dame de Paris, de la chapelle des Invalides ou de Saint-Louis des Français à Rome. Il pouvait captiver son auditoire sans aucune note, sautant d’une anecdote à un fait important, cherchant toujours à élever l’esprit de ses auditeurs vers le devoir moral et la perfection. Sans oublier, sa participation à la fondation puis à la rédaction de revues religieuses. Membre de la Société archéologique de France, il écrit de nombreux articles et collabore à des livres d’érudition locale. Membre de l’Académie de Saintonge depuis 1973, il a contribué par son autorité morale, sa dignité, sa vaste culture à donner à notre académie son rayonnement. Tout au long de sa vie, il a élargi le cercle de ses fidèles et de ses amis, restant leur confident, leur conseiller et leur guide spirituel. Il aimait la vie de société, invité et reçu dans les grandes familles, tous ceux qui l’ont côtoyé en ont gardé un profond souvenir. Dans l’homélie de ses funérailles, le 31 janvier 1997, le père Pierre Jegou parle de l’homme d’Église rempli du sens du devoir et du sacrifice, de l’homme de tradition de la génération d’avant le Concile ayant aimé les chants grégoriens et les grandes messes. Si son caractère était tout d’une pièce et ces colères mémorables, il ne cessait de travailler à développer ses dons au service et à la rencontre des hommes. Il fut reconnu comme « un grand serviteur de Dieu ». C’est dans son hommage à la marquise Marie-Louise de Chasseloup-Laubat qu’il se révèle, avec le talent qu’il avait coutume de déployer. En effet il exhorte à garder avec vénération le souvenir et le nom de la marquise car « c’est tout un passé de grandeur, d’exquise civilisation, d’intelligence et de goût qui s’évanouit ». Il rappelle les réceptions au château de la Gataudière qui avait retrouvé sa splendeur du passé. Puis en venant à sa personnalité, on sent dans l’éloge une admiration et une amitié authentique. Il nous parle de l’élan de charité que la marquise a suscité, de son courage, de sa dignité, de la sérénité qu’elle communiquait envers ses compagnons de captivité, de son éclectisme et de son hospitalité. À l’énumération de ces qualités, nous pourrions penser que le père Julien, en la décrivant, se décrivait lui-même, ou peut-être même, s’y identifiait-il plus ou moins inconsciemment. Il termine son hommage par cette phrase: « Une grande dame vient de nous quitter mais son esprit demeure ». Il aurait bien aimé que l’on dise de lui et c’est ce que nous dirons aujourd’hui : Père Julien, votre grande âme nous a quitté, mais votre esprit demeure parmi nous. |