Serge Roullet pour l’ensemble de son oeuvre cinématographique
Présentation François Julien-Labruyère
Serge Roullet, comment vous présenter ? Faut-il commencer par parler de votre famille aux racines charentaises comme il en est guère où côté paternel depuis le XVIIe siècle domine le négoce de cognac, et côté maternel la grande tradition des armateurs rochelais ? Faut-il évoquer votre grand-père, Léonce Vieljeux, le fameux maire de La Rochelle mort en déportation, et votre frère Yann, pasteur, résistant et écrivain, lui aussi mort au camp du Struthof ? Faut-il raconter votre vie mouvementée où votre métier de producteur de cognac ne cède jamais le pas à votre engagement politique et moral ?
Ou encore et tout simplement admirer votre œuvre cinématographique ?
Tout en vous se rejoint pour nourrir votre seule vraie passion, le cinéma. Vos racines charentaises, votre terreau protestant, votre expérience de militant, votre respect pour la tradition vigneronne s’entremêlent étroitement pour fermenter une œuvre toute en sensibilité, parmi les plus appréciées des spécialistes. Vous commencez votre carrière cinématographique avec le documentaire, aux États-Unis auprès du grand Flaherty, puis vous devenez l’assistant de Robert Bresson, en particulier pour sa fameuse Jeanne d’Arc. Enfin, réalisateur à part entière, vous tournez plusieurs longs métrages dont en 1968 Benito Cereno d’après le roman de Melville, La Fille à l’envers en 1971 ou encore Voyage étranger en 1990. Et nous verrons tout à l’heure votre dernier film, Claudia disparue, entièrement tourné en Charente en 2004.
Votre chef d’œuvre reste toutefois Le Mur tourné en 1966 d’après la nouvelle de Sartre, avec Michel del Castillo dans le rôle principal. Ce qui vous vaut une vitrine et un écran de télévision présentant votre film dans la grande exposition que la Bibliothèque nationale de France vient de consacrer à Sartre. Vos œuvres concourent dans différents festivals prestigieux comme celui de Venise, de Punta del Este ou de Cannes où elles font plusieurs fois partie de la sélection officielle. Vous recevez le Prix spécial du jury au festival de Cannes en 1966 pour Sillages, un documentaire sur la Bourgogne, et diverses mentions pour vos longs métrages.
Curieusement, vous êtes plus connu hors de votre pays natal qu’auprès des Charentais. Toutefois, le festival de La Rochelle vous a rendu un hommage en 2001 en programmant l’ensemble de votre œuvre. J’espère que ce Grand Prix de l’Académie de Saintonge contribuera à rétablir l’équilibre.