Panorama de l’année culturelle Saintongeaise en 2009
Par Marie-Dominique Montel, directeur en exercice
Mesdames et messieurs, chers amis, bienvenue à tous. Je déclare ouverte cette cérémonie des Prix de l’Académie de Saintonge, qui nous rassemble pour couronner les personnalités charentaises de l’année dans le domaine de la culture. C’est la vocation de l’Académie de Saintonge, soutenue dans son action par des aides publiques et privées. Et je tiens à remercier, en la personne de ses représentants, le département de Charente-Maritime qui épaule notre Académie de son aide fidèle depuis de longes années. Je le remercie d’ailleurs doublement puisque cette année, le conseil général a décidé de financer, de surcroit, le grand prix de l’Académie qui sera décerné tout à l’heure. Il nous faut remercier aussi , de l’intérêt qu’elle manifeste pour nos travaux, la ville de Saintes qui offre à nos rendez-vous le cadre de cette belle salle Saintonge dont le nom nous va si bien, et tous ceux, collectivités locales, journaux, entreprises ou personnalités privées qui année après année, nous aident à financer les prix et à les faire connaitre. Il y a d’ailleurs trois nouveaux prix dans notre palmarès 2009, un prix de la ville de Royan, un prix de la ville de Rochefort et un prix Champlain, ce sont des créations qui nous font bien plaisir pour les prix de Rochefort et de Royan qui viennent compléter le réseau des prix des villes charentaises; c’est un retour pour le prix Champlain qui avait disparu et qui renait grâce au Mémorial de la nouvelle France et à son directeur l’Abbé Samoride..
Ces prix – il y en a 12 au total, plus une médaille – qui vont récompenser tout à l’heure, les plus excellentes réalisations, sont la partie visible du travail de l’Académie. Au cours de réunions successives les académiciens repèrent, étudient, sélectionnent les plus beaux fleurons de notre vie culturelle.
Je voudrais vous parler pour une fois, un peu plus longuement des académiciens. Etre académicien ce n’est pas un métier, d’ailleurs, les 25 membres de l’Académie de Saintonge ont tous des activités professionnelles, liées à la culture. Vous trouverez dans la brochure, la liste des leurs accomplissements depuis notre dernière cérémonie des prix en octobre 2008. Par exemple, vous le verrez bientôt, notre nouvel académicien, élu au premier siège, Jacques Bouineau, est professeur de droit à l’Université de La Rochelle. Par exemple, Jean Combes et Bernard Mounier, non contents de s’occuper des livres qu’ils publient et des films qu’ils soutiennent ou réalisent, ont créé ce printemps le « comité des conférences » de l’Académie qui vous permettra d’aller écouter les plus brillants de nos académiciens ou de nos lauréats plusieurs fois par an.
Et puis, je voudrais vous conter spécialement aujourd’hui l’histoire de l’un de nos académiciens, et de ses activités, parce que c’est un homme exceptionnel, parce que c’est un prince. II en a les manières, l’élégance, la gentillesse et la courtoisie… Il a, de surcroit, reçu une excellente éducation. Vous l’avez deviné, c’est un prince charmant. Et comme le veut la destinée des princes charmants, un jour il s’est perdu dans une forêt de notre jolie province et il a aperçu au loin les tours d’un château dépassant la cime des arbres. Il consulta un paysan charentais qui coupait du bois probablement et qui lui fournit aimablement quelques indications. « Mon prince, dit le paysan- et ses paroles exactes nous ont été rapportées par le chroniqueur-, il y a plus de cinquante ans que j’ai ouï dire à mon père qu’il y avoit dans ce château une princesse, la plus belle du monde ; qu’elle y devait dormir cent ans, et qu’elle serait réveillée par le fils d’un roi, à qui elle estoit réservée. »
« Le jeune prince, à ce discours, se sentit tout de feu. A peine s’avança-t-il vers le bois que tous ces grands arbres, ces ronces et ces épines s’écartèrent d’elles-mêmes pour le laisser passer. Il marcha vers le château, qu’il voyait au bout d’une grande avenue où il entra ». Je vais sauter quelques épisodes, ils ne vous sont pas inconnus… Le prince épousa la belle au bois dormant, la chronique nous rapporte que les violons et les hautbois jouèrent de vieilles pièces, mais excellentes, quoiqu’il y eut prés de cent ans qu’on ne les jouât plus. Cependant tout le palais s’estoit réveillé avec la princesse : chacun songeoit à faire sa charge ; et, comme ils n’estoient pas tous amoureux, ils voyaient bien que le château avait besoin de réparation et que la forêt qui s’était écartée sur le passage du jeune prince avait laissé les jardins en piteux état. Un jour son beau-père lui dit : « Mon gendre, ma fille est fort satisfaite de vous et moi aussi. Toutefois j’aimerais que vous me prêtiez main forte, car j’ai entrepris de rendre à ce château et à son parc leur éclat ancien, 100 ans sans entretien laissent des traces et pour tout dire, mon gendre, nous ne serons pas trop de deux ». Le Prince, charmé de ces paroles, et plus encore de la manière dont elles étaient dites, ne savait comment lui témoigner sa joie. La princesse qui était présente ajouta en souriant « C’est vrai mon prince, vous vous êtes fait bien attendre ». Il reconnut la phrase qu’elle lui avait dite à leur premier regard en se réveillant et l’assurant qu’il aimerait s’occuper de tout ce qui était encore mal rangé, il résolut de voir sur-le-champ ce qui en était.
Le prince avait fait de sérieuses études qui lui furent bien utiles, on disait de lui qu’il était ingénieux ou ingénieur car la formulation n’était pas encore bien fixée. Il accorda une attention toute particulière aux jardins qui s’enfonçaient doucement dans le sol marécageux. Il fit merveille. On murmure que le chat botté qui vient régulièrement par ici en poussa un sifflement ou peut-être un miaulement d’admiration ; les visiteurs de plus en plus nombreux, aussi. Le château dans son écrin devint un emblème de notre province et de notre patrimoine. Le prince et la princesse donnèrent des fêtes inoubliables. Les altesses des alentours, les personnalités de la république, les fées et les personnages des conte qui passaient par là étaient conviés… et les académiciens aussi car le prince était membre de l’Académie de Saintonge. Il était compétent et érudit, il écrivait parfois des monographies savantes et charmantes. Par exemple sur Pierre Loti qui avait été le premier à remarquer dans la forêt la présence du château de la belle au bois dormant. Pour en revenir au prince, ses travaux lui donnaient du contentement, sa famille lui donnait satisfaction. Il quittait parfois son beau château pour traverser notre belle Saintonge et assister aux séances de notre belle Académie. Comme sa femme, qui avait dormi 100 ans ce qui est excellent pour la santé, il ne vieillissait pas ou alors très peu. Un jour ils invitèrent leurs amis pour célébrer leurs 70 ans de mariage. Après la cérémonie dans la chapelle du château, la soirée fut magnifique, une des ces soirées d’automne saintongeaises d’une splendeur que l’été et le printemps jalousent. Au milieu de l’affection de tous les siens, le prince nous laissa une image de charme puisque c’était un prince charmant. C’était aussi, on ne l’a pas compris immédiatement, une façon de nous dire adieu, de tirer sa révérence avec son élégance coutumière. Il nous a quittés, quelques mois plus tard… Il s’appelait Jacques Badois. Il nous manquera longtemps. Et son souvenir est lié pour au moins 100 ans au château de la Roche Courbon.
Je tenais à lui rendre hommage. La plupart des citations relatant sa vie sont tirées d’un ouvrage prémonitoire qui parlait de lui dès le XVIIe siècle, époque où virent le jour, presqu’en même temps, les académies… et les contes de fée ! Il s’agit, vous l’avez reconnu au passage, du livre des Contes de Charles Perrault.