Réception de Pascal Ferchaud au 21e siège de l’Académie
Discours de présentation par Bernard Mounier
Pascal Ferchaud est un élu de la République, conseiller municipal de Saujon en 1973, maire depuis 2001, Vice Président de la Communauté d’Agglomération Royan Atlantique depuis 2002, Conseiller départemental depuis 2004. Mais ces titres prestigieux n’eussent pas suffit pour qu’il soit sollicité afin de rejoindre l’Académie. Déjà, en 2014, il reçoit le Prix de la Haute Saintonge pour son livre « Ribérou, baillage royal et port de mer », salué en ces termes par notre collègue Pascal Even : « L’auteur… a heureusement gardé le goût de l’histoire lorsqu’il s’est lancé dans la vie politique et c’est donc à la fois un historien et un élu que l’Académie souhaite honorer… ». Ces paroles sont à prendre à la lettre.
Pascal Ferchaud, né en 1958 à Royan, grandit dans le village de Chalons, près du Gua. Marié et père de famille, il habite depuis 1987 dans le village de L’Illate, sur la commune de Saujon.
Études secondaires techniques, faculté des sciences économiques à Poitiers, maitrise de gestion, puis agrégation en économie et gestion, il commence une carrière d’enseignant au Lycée Marguerite de Valois à Angoulême et la poursuit au lycée Jean-Hippolyte de Jonzac. Il enseigne depuis 1987 au Lycée Cordouan de Royan dans la section BTS Tourisme qu’il a contribué à fonder. En août 2017, il est promu au grade de Chevalier des Palmes Académiques. Malgré la charge de ses mandats électifs, il continue d’assurer au Lycée de Cordouan 8 heures de présence par semaine afin, dit-il, « de ne pas rompre avec la vraie vie ! ».
Sa « vrai vie » lui vaut également d’être passionné d’histoire, celle de la Saintonge notamment, celle de son canton assurément. Il fonde, en 1979, avec Jacques Andréoli, la Société d’histoire et d’archéologie en Saintonge Maritime, qu’il préside jusqu’en 2001, lorsqu’il fut élu maire. Il suit de près la vie de cette association, laquelle fait preuve d’une intense activité plurielle : ainsi, dans le numéro 2018 de son bulletin, elle traite aussi bien de « Luther et la liberté de conscience » que de la Saliculture et des Halles de Saint Jean d’Angle.
C’est d’abord dans ce cadre que Pascal Ferchaud écrit et publie divers ouvrages souvent cités par les historiens généralistes : L’Ilatte, ancienne paroisse, histoire d’une communauté villageoise des origines à nos jours ; Saujon – Le Gua 1789 an III, la Révolution dans deux cantons ruraux ; L’Épisode tragique du Vengeur , le combat naval du 13 prairial an II ; Le Château de Saujon, grandeur et décadence. Puis il édite pour son propre compte : Saujon et son canton, mémoires en images (Éd. Alan Sutton) ; Ribérou, baillage royal et port de mer (Éditions Bonne Anse, 2012, Prix de l’Académie de Saintonge en 2014).
Pour l’heure, lui qui pourrait couler, parfois, quelques jours tranquilles dans sa mairie, à l’ombre des toiles du peintre Gaston Balande, un enfant du pays, il est confronté à un problème de quota de logements. La loi dite SRU pour « Solidarité et Renouvellement Urbain », impose aux communes de plus de 3 500 habitants (Saujon en a 7 200) de construire un minimum de 25% de logements sociaux. Le maire a besoin de 50 hectares pour y souscrire. L’affaire se complique quand on sait que les terrains éventuellement disponibles sont situés soit en zone inondable soit dépendants de la loi Littoral, c’est-à-dire tous déclarés inconstructibles ! Ne pouvant répondre au quota SRU, sans dérogation possible, la commune se voit condamnée par le Préfet à une amende de 229 000 € pour 2018, l’équivalent du budget annuel de la voirie. Après avoir relu les mots d’Albert Camus « J’ai compris qu’il ne suffisait pas de dénoncer l’injustice, il fallait donner sa vie pour la combattre… » son tempérament fougueux allié à un profond sens de l’humour, lui permet d’interpeller le Préfet en séance du Conseil Départemental et de faire une absurde proposition répondant à une situation absurde : « Afin d’échapper au quota qui m’est imposé, je propose de créer 3 communes de 2 400 habitants chacune, sur le modèle des 3 anciennes paroisses réunies à la Révolution, puis en 1893, pour constituer la ville actuelle. » Le Préfet a cru bon de répondre par une autre citation de Camus « Croire, c’est donner une forme à son destin ! » Ce qui semblerait augurer de bonnes intentions… À suivre… Dans l’immédiat, l’affaire fait « le buzz sur la toile », comme on dit en saintongeais en parlant des araignées !
Pour son amour de la Petite histoire qui fait la Grande, pour son dévouement inébranlable au service des citoyens, pour son sens radical de l’humour, nous sommes heureux et fiers d’accueillir Pascal Ferchaud parmi nous.
Discours de réponse de Pascal Ferchaud
Chers collègues, Mesdames, Messieurs,
Comme s’il ne suffisait pas d’être impressionné par le seul fait de mon admission à rejoindre les rangs de l’Académie, le sort veut que je sois amené à m’asseoir sur un siège précédemment occupé par une éminente personnalité : JeanLouis Lucet, lequel a sollicité et obtenu l’Honorariat. Jean-Louis Lucet, ambassadeur de France à Dakar, Tel Aviv, au Vatican, après avoir occupé de hautes fonctions diplomatiques à Washington, Londres, Le Caire…
Comme si cela ne suffisait pas pour que je sois impressionné par une telle personnalité, j’ai appris, Monsieur Lucet, que vous apparteniez, par votre mariage, à la famille de Pierre-Henri Simon, un écrivain admirable, qui fut membre de l’Académie Française et directeur de notre Académie. Chantre de la Saintonge je lui dois une part littéraire de mon intérêt pour notre territoire, tel qu’il est évoqué dans la trilogie Figures à Cordouan.
Monsieur Lucet, je vous salue avec respect et vous remercie de m’avoir donné l’occasion de relire et de faire mien le passage d’une conférence de Pierre-Henri Simon, dans lequel il parle ainsi de la Saintonge : « Pays de vieille race, classique et latine, de mesure et non de passion, pays suffisamment marqué par le voisinage de l’Océan pour être tenté par le rêve et par l’aventure, par un certain romantisme qui se modère de lui- même et qui éclate en mélancolie lucide plutôt qu’en lyrisme exalté, un pays de juste milieu, de bon sens paysan, de positivisme non exclusif d’imagination et de spiritualité… ».
En ce pays si bien compris et décrit, je me sens « beunèze », comme on dit en notre langage au point d’avoir adopté celui-ci. Né à Royan, habitant L’îlatte, près de Saujon, mes racines saintongeaises sont avérées depuis une dizaine de générations.
Permettez-moi aujourd’hui de saisir l’occasion qu’il m’est donné de parler d’un cours d’eau comptant beaucoup pour moi, un fleuve aussi discret et sauvage dans son amont qu’il est généreux en son embouchure : La Seudre.
La Seudre évoque d’abord des souvenirs d’enfance. Une enfance marquée par la présence de mes deux grands pères, tous deux nés à Saujon et dont mes parents ont eu la bonne idée de rajouter leurs deux prénoms au mien : Pascal, Maurice, Octave. Maurice, amateur de la pêche aux anguilles « à la vormée », dans le fossé de Chantegrenouille. Octave, grand pêcheur de pibales dans la « ch’nau » de Chalons ou de la pêche « aux chancres » dans les marais de Souhe. Mon enfance au bord de la Seudre, c’est aussi l’image de mon père relevant son carrelet, près du moulin de Chalons, dans lequel des « meuilles » argentés se débattaient.
Ce sont les vacances mémorables chez ma tante Linette et mon oncle Roger, ostréiculteur à Bourcefranc et ces départs tôt le matin pour des sorties à « la marée ». Ce sont des promenades à vélo, avec mon ami Jacques trop tôt disparu, dans les marais de Saint-Martin, à la découverte des « cabirottes », ces curieuses constructions, à proximité de la demeure du Contre-amiral Renaudin, commandant du vaisseau Le Vengeur. Ce vaisseau dont les marins, pour un grand nombre, originaires des villages de la Seudre, menèrent un combat héroïque face à la flotte anglaise lors de la fameuse journée de Prairial an II, que j’ai eu grand intérêt à raconter dans un ouvrage.
La Seudre, c’est le reflet de lieux magiques comme Beauregard, le bien nommé, point de vue remarquable sur la commune de Chaillevette depuis le Train des Mouettes, L’Ile de Paradis à Étaules ou le port du même nom, Paradis, à Nieulle, rappelant l’exode des protestants persécutés, depuis l’estuaire de la Seudre vers des lieux moins hostiles.
La Seudre c’est aussi Artouan, Souhe, L’Ilatte, autant de lieux rappelant que l’estuaire de cette rivière qui, en réalité, est un fleuve puisqu’il n’est affluent d’aucun autre et se jette directement dans la mer, que son estuaire était jalonné d’un chapelet d’îlots. Ce sont les anciennes paroisses de Monsanson avec sa colline dominant le marais ou celle de Dercie avec un port d’où partaient des navires pour Terre Neuve au XVIe siècle. Ce sont également les beaux noms de Pélard, Margot, Liman, Recoulaine, autant de chenaux dans lesquels on venait charger le sel dont la production a si joliment façonné ce territoire, au fil des siècles et dont la vision aérienne est tellement extraordinaire, comme celle d’une autre planète…
La Seudre c’est enfin bien évidemment, pour moi, le port de Ribérou, ancien bailliage royal et port de mer dont j’ai tant éprouvé de plaisir à écrire l’histoire. Le port de Ribérou c’est enfin le port duquel nous partons le plus souvent possible avec Marie mon épouse, à bord d’une petite embarcation pour un resto caché sur le port de La Grève à La Tremblade avant d’accoster un moment sur les quais de la « perle de la Seudre » qu’est le bourg de Mornac.
La Seudre, ma Seudre, c’est, vous l’avez compris, une partie de moi-même. Et ce qui m’enchante encore davantage, c’est d’en avoir transmis l’amour à mes enfants. Comme j’espère l’avoir un peu transmis à vous-mêmes aujourd’hui, chers collègues, mesdames, messieurs !