Philippe Deblaise, pour son livre « Moi, Nicolas Jenson, libraire à Venise en 1470 »
Prix de la Haute-Saintonge
Philippe Deblaise, pour son livre Moi, Nicolas Jenson, libraire à Venise en 1470
Rapport : Alain Braastad
Je ne vais pas vous présenter Philippe Deblaise, il est connu de tous dans la région en tant qu’expert en livres anciens. Dans le cas présent il s’agit de livres très anciens, les incunables. Tout d’abord c’est un beau livre, d’un bon format, sur un beau papier avec de beaux caractères, ce n’est pas un livre de poche !
C’est l’histoire de Nicolas Jenson, un des premiers imprimeurs français. Ce typographe voyageur finit par s’installer à Venise. L’existence de ces inventeurs un peu savants, un peu hommes d’affaires, un peu chenapans est passionnante. C’étaient des personnages de roman et aujourd’hui ce roman existe. À peine plus jeune que Jeanne d’Arc, Nicolas Jenson est un jeune graveur talentueux de l’atelier royal de la monnaie de Tours, quand le roi Charles VII l’envoie à Mayence afin d’y percer le secret d’une technologie de pointe qui semble prometteuse inventée par un nommé Gutenberg. Il va s’initier au maniement des caractères mobiles qui permettent de composer et d’imprimer des livres.
En 1470, on le retrouve à Venise, père de trois enfants et typographe de renom. Pendant 10 ans il publie avec succès de nombreux ouvrages. Venise où débarquent à l’époque les riches prélats fuyant Constantinople avec leurs nombreux manuscrits grecs ou latins que l’Occident ne connaissait pas. Surtout, il perfectionne la découverte de Gutenberg en inventant un caractère plus lisible et qui consomme moins d’encre ce qui permet des économies. Vous le connaissez, c’est le caractère roman, rebaptisé Times new roman par les Anglais, et qui est toujours la star de nos ordinateurs aujourd’hui.
Il y précise les débuts de l’imprimerie, le maniement de la presse, la création des lettres, le ventre des a, des b, le point des i, puis la gravure de la matrice des lettres, les poinçons, les caractères mobiles dans leurs casses, le traitement des initiales, le vélin, le parchemin, le papier et les filigranes. Le choix des manuscrits à imprimer : d’abord les grands textes latins, puis des textes législatifs. Le saturnisme causé par le plomb et la façon de le soigner à l’époque, la peste. La texture de l’encre, les couleurs, le rubricateur, le brocheur, les relieurs et les enlumineurs. Enfin, la vente du livre, la naissance du métier de libraire et les premières librairies. Tout y est parfaitement décrit, un monde nouveau vient de s’inventer.