Panorama de l’année culturelle Saintongeaise en 2023
Discours d’ouverture des Prix de l’Académie de Saintonge 2023 : Marie-Dominique Montel
Directrice de l’Académie de Saintonge
Mes chers collègues, Mesdames et Messieurs les élus, chers amis,
Au nom de l’Académie de Saintonge, je voudrais rendre hommage à une grande dame qui vient de nous quitter, Hélène Carrère d’Encausse qui, de sa position de secrétaire perpétuel de l’Académie française, a toujours suivi avec sympathie les travaux de notre petite académie. Elle s’était abonnée à notre revue et avait, en 2012, délégué l’académicienne Danièle Sallenave pour présider notre cérémonie des prix. Au mois de mai, elle avait encore inauguré par un brillant discours la cérémonie du centenaire de Pierre Loti, sous la coupole.
Sur une note plus personnelle, nous gardons le souvenir, Christopher Jones et moi, d’une semaine épique à Moscou, lors du tournage du film que nous lui avons consacré pour la collection Empreinte (France 5). À 3 000 km de Paris, elle oubliait le protocole et nous entrainait dans une cavalcade de rencontres et de découvertes inoubliables. Nous avons encore travaillé avec elle en 2017, pour un film de France 3, Lénine et Marcel, sur un jeune français qui avait participé à la révolution d’octobre. De nouveau, elle a très généreusement mis toutes ses formidables connaissances historiques au service du récit que nous allions filmer.
Elle était autoritaire, mais on avait fini par s’apprivoiser mutuellement. Je me souviens qu’elle disait en riant « Je suis immortelle et en plus je suis perpétuelle, alors vous pensez, vous n’en avez pas fini avec moi ! ». Comment pourrait-on l’oublier ?
Aujourd’hui, je dois également vous transmettre plusieurs invitations.
La première nous vient de l’ambassade de France au Paraguay, à Asunción, pour le 250e anniversaire du botaniste Aimé Bonpland également connu là-bas sous le nom d’Amado Bonpland ou de Karaí Arandú dans la langue des indiens Guarani qu’il parlait couramment. On vient d’inaugurer, dans le jardin botanique d’Asunción, une statue de ce Charentais célèbre.
Bonpland est né en 1773 à La Rochelle où, petit déjà, il jardinait avec son papa. Après des études de médecine, il se consacre à la botanique et c’est au Jardin des Plantes de Paris qu’il rencontre Alexandre Von Humboldt. Ils ont 25 ans tous les deux quand Bonaparte part pour l’Égypte et qu’ils décident de le rejoindre, mais (en résumé) ils ne trouvent pas de bateau pour l’Égypte, et s’embarquent pour… l’Amérique du Sud, alors largement inexplorée. Humboldt s’intéresse à la géographie physique, aux fleuves, aux courants (dont le courant de Humboldt qui porte son nom). Bonpland se consacre à la végétation et ramènera 60 000 espèces de plantes inconnues dont une jolie fleur de nos jardins, le fuchsia.
À leur retour, en 1804, leurs descriptions scientifiques remportent un vif succès et Napoléon engage Bonpland comme botaniste en chef des jardins de l’impératrice. Il acclimate en France des espèces qui ne poussaient pas chez nous comme des orchidées, des hortensias, des eucalyptus et, bien sûr…des fuchsias. La prochaine fois que vous en verrez, j’espère qu’ils vous feront penser au charentais Aimé Bonpland.
Et si vous allez au Paraguay, diverses activités sont prévues, tant dans la capitale, Asunción, que dans les départements de Misiones et d’Itapúa. Car Aimé Bonpland, à la chute de l’empire, est reparti en Amérique du Sud où il a poursuivi ses travaux sur les plantes et a eu beaucoup d’enfants. Il est mort à 85 ans, après avoir vu naître la photographie comme le prouve ce daguerréotype. Vous obtiendrez des précisions à l’ambassade de France ou auprès de Christine de Ponchalon, notre académicienne qui connait le mieux le Paraguay.
Deuxième invitation, au nom de notre Académie de Saintonge, pour un événement plus proche de nous, un vibrant hommage à l’un des grands intellectuels du XXe siècle, Pierre-Henri Simon. Son parcours fait l’objet d’une exposition réalisée avec le soutien de la Ville de Saintes, de la communauté de communes de Haute Saintonge et du département de Charente Maritime.
Pierre-Henri Simon est né à Saint-Fort-sur-Gironde en 1903. Intellectuel engagé, écrivain et critique littéraire, grande plume du journal Le Monde, élu à l’Académie française en 1966, il fut aussi co-fondateur et plus tard directeur de l’Académie de Saintonge. « La Saintonge est l’endroit où, mieux qu’ailleurs, je fixe mes souvenirs et mes songes » disait-il, laissant comme feuille de route pour les directeurs et directrices de l’Académie qui lui ont succédé cette belle consigne : « Il n’existe pas meilleure introduction à ce qu’est l’Académie de Saintonge : une compagnie dédiée au rayonnement de sa région et à l’expression de l’attachement qu’on lui porte ». Parmi ses engagements, on retiendra sa prise de position contre la torture à l’époque de la guerre d’Algérie. Ses romans, eux, nous replongent dans nos paysages et nos sociétés qui ne changent pas tellement et dans les problèmes de cœur et de conscience qui changent si peu.
Sa famille, dont nos collègues Jean-Louis et Christophe Lucet, et sa famille académique (c’est à dire nous) lui avons donc consacré cette belle et savante exposition, à la médiathèque de Saintes au début de l’été, puis à Jonzac au cloitre des Carmes, et à La Rochelle en décembre, à la maison du département. Vous pouvez d’ailleurs en voir une présentation sur la chaîne de l’académie.
Car voilà ma troisième invitation : il y a un an, l’académie de Saintonge a créé sa chaîne de télévision. Depuis, près de 15 000 personnes l’ont regardée pour suivre nos divers événements et les travaux des académiciens. Peu d’activités culturelles rassemblent autant de monde. C’est agréable, bien sûr, de constater que l’on s’intéresse à nous, c’est aussi satisfaisant pour nos mécènes de voir que leur générosité rencontre un large écho. Aussi, en leur nom et au nom de l’académie, je vous propose d’applaudir les deux personnes à l’œuvre, dans les coulisses de cette chaîne de télévision, le réalisateur Christopher Jones et Blake Jones, un génie du numérique venu spécialement de Munich pour nous aider.