Jean-Marie Laclavetine pour Port-Paradis avec Philippe Chauvet

Rapport de Jean-Claude Dubois

 

(Avant que Jean-Claude Dubois ne présente ce livre pour le prix Madeleine Labruyère, je souhaiterais répondre à quelques articles de presse mettant en cause notre choix. Tout d’abord, cela m’a fait plaisir que notre Académie soit ainsi prise à partie, cela signifie qu’elle possède son importance dans la région, même auprès des milieux de presse. Quant au fond de l’affaire, il est le suivant: fin juin, le Conseil général de Charente-Maritime décernait son prix des Mouettes à Port-Paradis; quelques journaux et radios se sont alors émus du fait qu’il y a bien peu de région dans ce livre, des auteurs tourangeaux, un éditeur parisien de renommée (Gallimard) qui n’a nullement besoin de soutiens financiers et un genre, le polar, qui peut être considéré comme réducteur. Le choix du jury des Mouettes est souverain et je voudrais simplement rappeler trois points: quand un polar est bon, il devient un roman comme un autre; ce n’est jamais un éditeur qui est couronné, mais un auteur, quelque soit son éditeur, parisien ou régional, immense ou minuscule; enfin, si les auteurs de ce livre sont de Touraine, il suffit de lire leur roman pour sentir immédiatement qu’ils possèdent de fortes attaches en pays de Seudre. Venons-en maintenant au choix de notre Académie, lui aussi souverain, je le rappelle. Voilà ce que dit un des articles de presse le mettant en cause: «Or il se murmure que l’Académie de Saintonge aurait l’intention de décerner au même Port-Paradis l’un de ses prix annuels. Où allons-nous? Rappelons que le prix des Mouettes doit aller à un ouvrage qui n’a pas été déjà couronné. La vénérable compagnie saintongeaise ramerait-elle à contre-courant d’une règle observée par la plupart des jurys et somme toute normale?» J’ai terminé ma citation; merci pour le vénérable, mais cet article (et les autres) mérite réponse. L’Académie de Saintonge décerne ses prix selon un processus de choix volontairement long afin d’éviter emballements et intercessions. Nous nous refusons à être comme la plupart des faux cénacles qui distribuent des prix selon l’air du temps, le faire-plaisir à un copain ou le renvoi d’ascenseur éditorial, sans même lire les ouvrages concernés… Notre académie ne tient compte dans son choix que de la qualité de l’oeuvre, et non de savoir qui l’édite ou si d’autres jurys la trouvent à leur goût. PortParadis est paru en début d’année et a tout de suite retenu l’attention de quelques-uns de nos membres qui ont senti en lui une authentique sensibilité de la région. Le 4 avril 1998, lors d’une de nos réunions, nous avions quatre romans possibles, dont trois étaient publiés à Paris par de grands éditeurs nationaux; nous avons alors établi un pré-choix et confié deux de ces romans (tous deux d’édition nationale) à deux académiciens pour qu’ils en rédigent un rapport de lecture circonstancié. Le 6 juin 1998, c’est-à-dire trois semaines avant que le Conseil général ne rende public son prix des Mouettes, nous avons choisi sans hésitation Port-Paradis pour ses qualités intrinsèques. Messieurs les auteurs, je m’excuse de répondre aussi longuement à la presse au sujet de votre livre, mais vous aurez compris qu’il en va de la crédibilité de notre Académie. F. J-L)

Ce livre a, pour les Saintongeais, un double intérêt. C’est d’abord un roman policier avec de nombreux crimes d’autant plus impressionnants que pendant toute une partie de l’ouvrage, ils sont sans lien apparent, ce qui augmente le suspense. Finalement ils se regroupent autour d’un couple de garagiste dont l’épouse, une belle fille toute simple, s’abandonne ingénument à des aventures extra-conjugales. Puis les événements se précipitent et l’intrigue aboutit à une poursuite effrénée et dramatique en bateaux sur la Seudre. Le dénouement en demeure imprévisible jusqu’à la dernière page ce qui est, pour une ceuvre littéraire de ce genre, une qualité certaine. Le style est direct, abrupt, sans périphrase ni fioriture, favorisant ainsi l’intensité du drame et l’intérêt de l’intrigue. Son autre intérêt tient à l’heureuse description des lieux où se déroule cette aventure : L’Éguille-sur-Seudre et son port (que les auteurs dénomment «Nullepart» et «Port-Paradis»), les cabanes d’ostréiculteurs; les bords de Seudre; ses canaux; ses marais; le pont de la Seudre à Saujon; Dercie; les rives de la rivière, sauvages et désertiques entre Saujon et L’Éguille … Ces lieux sont le siège d’une vie intense et dramatique dont il est préférable qu’elle soit le fruit de l’imagination des auteurs que le vécu quotidien de leurs habitants! De tout cela, il ressort qu’il est tout à fait légitime que l’Académie de Saintonge se soit intéressée à ce roman et lui ait attribué le prix Madeleine La Bruyère.

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