Louis Cullen pour The brandy trade under the Ancien Régime, regional spécialisation in the Charente (Cambridge University Press, 1998)

Rapport d’Alain Braastad

 

(La vie d’un négociant, et c’est très clair dans le livre de Louis Cullen, est une vie de voyages professionnels. Alain Braastad, dont chacun sait qu’il est un de nos négociants en cognac parmi les plus authentiques, est en ce moment en train de proposer ses eaux-de-vie au marché américain, autrement dit, il fait de la publicité pour le pays charentais tout entier, car sa façon à lui demeure liée à l’image de qualité, donc à celle de terroir. Il m’a demandé de l’excuser auprès de vous tous, et surtout auprès de vous dont il a particulièrement apprécié le livre, puisque c’est lui qui l’a présenté à nos suffrages. F. J-L)

Pour la première fois dans l’histoire de l’Académie de Saintonge, celle-ci a décidé de primer un livre en anglais. Il s’agit, selon la traduction française de son titre, du « Commerce de l’eau-de-vie sous l’Ancien Régime, une spécialisation régionale charentaise » par Louis Cullen. L’auteur est professeur d’histoire moderne irlandaise au Trinity College de Dublin. Il est un spécialiste de l’histoire économique de son pays mais aussi féru des relations franco-irlandaises. Ce sont les Irlandais vivant dans le Cognaçais dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les James Delamain, Richard Hennessy, les frères Saule, Samuel Turner et autres, qui l’ont amené à Cognac il y a une vingtaine d’années. Depuis, il y est revenu tous les ans… Car parmi les nombreuses richesses de Cognac, il en est une ignorée et secrète : les archives des maisons de commerce. Archives uniques remontant pour la plupart au XVIIIe siècle, certaines même au XVIIe siècle. Archives composées de livres comptables et surtout de milliers de copies de lettres écrites en français, anglais ou hollandais. Ces documents sont restés totalement inexploités jusqu’à ce que le professeur Cullen s’y intéresse et passe un temps incalculable à leur étude systématique. Les archives des maisons Hennessy, Martell, Hine, Delamain, Augier et d’autres moins complètes ont ainsi été passées au peigne fin. Il a lu et pris note de ces milliers de feuillets à l’écriture souvent difficile, il a dû apprendre le vieux hollandais, les anciennes mesures, les systèmes de taxation, les traites et aides, et comprendre les nombreuses abréviations des épistoliers. Il a complété ces lectures par l’étude des documents d’époque déposés dans les différentes archives départementales et nationale.
En 285 pages, il nous livre ses découvertes. Un travail considérable et fascinant qui ouvre de nouvelles perspectives sur les origines du cognac, la formation des crus, les cépages, la distillation, le vieillissement, les développements commerciaux… Les hommes et les familles impliqués dans l’histoire du cognac n’ont plus de secret pour le professeur Louis Cullen. Il connaît leurs alliances, leurs voyages, leurs réussites et leurs échecs. Il les situe dans leur contexte économique et historique avec ce regard authentique, fondé exclusivement sur les documents d’archives.
Alors que de nos jours, comme au temps du phylloxéra, certains groupes contrôlant ces mêmes maisons ne pensent qu’à mélanger le cognac à d’autres alcools pour mieux le dénaturer et profiter du renom que le cognac a donné à leur marque, afin de vendre un sous-produit sous ce même nom, le professeur Cullen nous rappelle que leurs ancêtres, leurs grands ancêtres, s’étaient promis, le 14 mai 1791, de ne jamais mélanger l’eau-de-vie de Cognac à une autre, qu’elle soit française ou étrangère. Ils donnaient ainsi ses lettres de noblesse au cognac.

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