Commune de Trizay pour la réhabilitation et l’animation artistique de son prieuré
« À l’ouest du village se rencontrent les imposantes ruines de ce qui fut aux XIIe et XIIIe siècles l’importante abbaye de Trizay. Bien que classées depuis le 20 décembre 1920, ces ruines disparaissent un peu chaque jour. C’est ainsi que des restes de peintures murales du XVe siècle qui représentaient, dit-on, le martyre de saint Sébastien, ont cessé d’être visibles. » Voilà ce que déplorait, en 1952, Charles Connoué, un des membres fondateurs de notre Académie. Depuis, les choses ont bien changé. Trizay est redevenu – sauf cependant sur les panneaux routiers et la plupart des dépliants – ce qu’il a toujours été, un gros prieuré dépendant de l’abbaye de la Chaise-Dieu en Auvergne, comme son voisin de Sainte-Gemme, non une maison-mère, mais un satellite au pays du sel. Surtout, ses restes ont été magnifiquement restaurés, ouverts au public et valorisés par une série d’activités culturelles.
Ce monument, comme son voisin de Montierneuf, comme la cathédrale de Saintes, a beaucoup souffert au cours du dernier semestre de 1568 qui a été fatal à tant d’églises saintongeaises. Il a été démoli, comme les autres victimes, de la façade vers le chevet. Faire allusion à ce temps, c’est aussi évoquer des prieurs pour ainsi dire héréditaires, les Goumard, cadets de la famille d’Échillais, oncles et neveux, parrains et filleuls. Ces dignitaires sont représentatifs du clergé du premier XVIe siècle dont les travers scandalisaient moins les contemporains que les historiens du XIXe siècle (!) : cumul, non-résidence, népotisme, mépris de la chasteté, mais ils étaient aussi souvent des humanistes et des mécènes. Retenons « vénérable et discrète personne » maître Charles Goumard, prêtre, licencié en droit, seigneur temporel d’Ardillières et de la Funelière, qui meurt en 1531. Il est alors archidiacre d’Aunis, doyen du chapitre de Saintes, c’est-à-dire, compte tenu des conditions locales, plus puissant que l’évêque de Saintes, d’origine italienne, Julien de Soderini. Il est aussi prieur de Soubise, curé d’Échillais, de Marennes, de Parsay, de La Vallée, de Pont-l’Abbé, de Saint-Nazaire et enfin prieur de Trizay… Ce personnage exceptionnel fut aussi l’oncle, le parrain et le tuteur de Charles de Coucis, seigneur de Burie, héros des guerres d’Italie, bien connu par les Commentaires de Monluc. Trizay dont il estime le revenu annuel à plus de cinq cents livres, ne retient guère son attention ; il veut que son corps soit enterré dans la cathédrale où il a commencé une chapelle, et son cœur devant l’autel de Soubise. Rien à Trizay qu’il a déjà résigné en faveur de son neveu et filleul, lui aussi prénommé Charles. Ces deux Goumard ont-ils augmenté, décoré leur prieuré ? Ils en avaient sans doute les moyens et sans doute le désir…
L’état d’abandon noté par Charles Connoué n’est plus qu’un mauvais souvenir. Depuis 1989, à l’initiative de la municipalité et de son maire, le sénateur Michel Doublet, la restauration de l’ensemble prieural s’est effectuée sous la direction de Philippe Oudin, architecte en chef des Monuments historiques. Une série d’acquisitions a permis de rendre sa cohérence à la propriété, et même d’écarter les vaches ! De 1989 à 1995, des travaux de gros œuvre ont consolidé le tout, puis l’intérieur a été remis en état pour une utilisation culturelle ; des peintures murales exceptionnelles pour notre province ont retrouvé leur fraîcheur (1996 et 1997) ; enfin des fouilles autorisent une meilleure connaissance du site.
À lui seul, ce travail serait déjà remarquable, mais il s’y ajoute un constant effort de valorisation : jardins de Compostelle, composition de vitraux, expositions diverses. Le tout doit beaucoup à la diligence du syndicat d’initiatives et à sa présidente Raymonde Robin, ainsi qu’à ses collaboratrices. Chacun dans cette salle connaît évidemment le prieuré de Trizay, mais soyez assurés qu’il mérite une nouvelle visite, c’est bien un « trésor au cœur de la Saintonge ».