Frédéric Chasseboeuf pour Les Villas de la Côte de Beauté

Rapport de Marc Seguin

Vous connaissez tous cet érudit exceptionnel, assurément l’un des meilleurs de notre région. Nul plus que Frédéric Chassebœuf ne méritait le prix Charles Dangibeaud que nous lui décernons aujourd’hui. Comme nous l’a écrit Patrice Roquefeuil : « Votre savoir archéologique et architectural si nourri et constamment enrichi, s’inscrit droit dans la continuité avec les préoccupations et les goûts qui animaient mon arrière-grand-père. » Vous êtes en effet un chercheur passionné et infatigable. Je vous ai vu, aux Archives départementales de la Gironde, pendant des journées entières, additionner des notes sans jamais lever la tête ni même prendre le temps de déjeuner. Je suppose que vous n’agissez pas autrement à Paris ou ailleurs. Si j’ajoute vous avoir rencontré, alors que vous n’aviez guère dépassé l’adolescence, chez les notaires, en train de rechercher les contrats relatifs aux châteaux et aux familles de la noblesse, chacun comprendra que vous avez accumulé des connaissances et une documentation inégalées. En Charente-Maritime, toute bibliothèque publique ou privée, digne de ce nom, possède l’indispensable Châteaux, manoirs et logis auquel vous avez très largement contribué et qui a été, dès sa publication, en 1993, remarqué par notre compagnie, avec le prix Murat de Chasseloup-Laubat.

Comme l’Histoire nous y invite, de la noblesse, nous passons à la bourgeoisie, et des châteaux aux Villas de la Côte de Beauté, une ouvrage de 332 pages, magnifiquement illustré, publié en octobre 2005 par Patrimoines et médias, dédié, « en souvenir d’une longue et sincère amitié », à la mémoire de notre regretté confrère Jacques Daniel qui s’est éteint quelques mois avant la sortie d’une œuvre qu’il aurait beaucoup aimée. Qu’est-ce qu’une villa ? « Trop souvent reléguée à un rang secondaire de l’histoire de l’architecture, la villa fait voler en éclat les catégories traditionnellement établies. Apparu en France dès le premier tiers du XIXe siècle, le mot… désigne d’abord les habitations de campagne assez luxueuses, construites pour la haute bourgeoisie… Elle n’est donc ni un château, ni un hôtel particulier. » Si ces constructions se multiplient aux abords des grandes villes, la Côte de Beauté, séjour privilégié des groupes fortunés, n’échappe pas au mouvement général. Elles deviennent « un élément majeur du patrimoine bâti du Pays royannais », elles « affichent presque toutes des formes qui paraissent complexes et mélangent volontiers des matériaux de différentes natures pour créer des élévations à la polychromie toujours plus surprenante ».

Nous les retrouvons toutes dans ce superbe ouvrage qui constituera un véritable document pour les historiens des mentalités qui étudieront la période, exceptionnelle, paraît-il, qu’on qualifie de « Belle Époque ». Il est clair qu’en ce temps-là les constructeurs ignorent les tracasseries administratives ; on voit bien aussi que la fortune n’est pas une tare : chacun peut étaler les preuves de sa réussite sans redouter l’opprobre public et les impôts excessifs. Propriétaires, architectes, artisans même, donnent la mesure de leur goût et même de leur culture. Ne remarque-t-on pas « la qualité des sculptures qui pastichent celles des édifices de la fin de l’époque gothique flamboyante » à la villa Castel-Bourg de Saint-Georges-de-Didonne ? Au-delà de la nostalgie qui s’en dégage, nous avons là plus qu’une étude savante : c’est tout un art de vivre qui est ressuscité, la grâce d’une civilisation que nous avons perdue et que, sans Frédéric Chassebœuf, nous serions en train d’oublier.

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