Christophe Chabouté pour Tout seul aux Editions Vents d’Ouest
Rapport d’Alain Quella-Villéger
Il y a deux ans, l’Académie de Saintonge a récompensé pour la première fois une bande dessinée, (Abdallahi, de Christophe Dabitch et Jean-Denis Pendanx) abordant la solitude d’un homme qui marche, l’explorateur René Caillié. Voici une autre bande dessinée, en noir et blanc – on dit de plus en plus roman graphique – ; une autre solitude aussi, celle d’un homme dans un phare. Tout seul en est le titre-programme.
Il s’agit d’une BD poétique. Un goéland peut mettre 39 vignettes à effectuer un vol plané, comme un ralenti de cinéma. Cette sorte de minimalisme, impossible même en littérature, pousse en fait l’exigence créatrice à son maximum d’intensité, un art du non-dit ou du non-montré qui invite le lecteur à faire ce qu’Eugène Carrière avait conseillé à un apprenti-peintre : « Fermez les yeux et faites ce que vous voyez ». Le pari est là ; aucune esbroufe, une sorte de timidité de l’image, mais avec quelle force !
Le héros dont la laideur nous est visuellement sympathique, dans sa prison des flots, pêche des mots dans le dictionnaire et sa liberté se nourrit de son imagination. Quant au phare, l’autre héros de ce récit – combien de fois est-il dessiné ? –, sa partie supérieure s’inspire de Chassiron, mais le reste est invention, ce qui donne l’impression qu’il est le lieu de la pensée, vigie et cerveau (avec escalier hélicoïdal pour circonvolutions). Christophe Chabouté est un Saintongeais d’adoption. Né en 1967, d’origine alsacienne, il est venu il y a trois ans sur l’île d’Oléron et n’est pas reparti, désormais résident de Saint-Trojan. « Ecrire un album, c’est vivre dans une île », dit-il, et vivre dans une île pour écrire un album, qu’est-ce ?.
Au moins voulons-nous lui signifier en le faisant lauréat, qu’au-delà de son talent récompensé, ce prix est un signe de bienvenue et d’adoption… Et qu’il n’est pas tout seul !