XII. Management et visibilité

Lors de la séance privée qui suit son élection comme directeur de l’Académie, François Julien-Labruyère habitué de par son métier de banquier à la « direction par objectifs » présente un programme qu’il fait approuver par ses collègues. Il comporte deux grandes orientations : en premier lieu, la sauvegarde de l’institution dont on peut alors noter l’absentéisme de certains membres et la moindre fréquentation de ses séances publiques ; en second lieu , sa modernisation afin de la rendre plus efficace, plus vivante et plus visible.

Parmi les premières mesures mises en place, celles concernant le management de la compagnie peuvent sembler triviales, elles sont pourtant devenues indispensables dans le vaste mouvement de transparence qui affeste alors l’ensemble des associations : convocations et comptes rendus de réunions en bonne et due forme, établissement et suivi des budgets, information régulière du financeur principal, le Conseil général de Charente-Maritime, sur l’activité de l’Académie, mise à jour des statuts qui n’avaient pas évolué depuis la création, strict respect des règles internes de fonctionnement pour les renouvellements de bureau et les élections de nouveaux membres …

La disposition de ce plan probablement la plus nécessaire à la vitalité de la compagnie est aussi la plus discutée. Comme la plupart des académies, celle de Saintonge comprend un nombre limité de membres élus à vie. Ce qui entraîne inévitablement un vieillisement de l’effectif et un déclin de son dynamisme. Cette prégnance de l’âge moyen de l’Académie avait plusieurs fois alerté ses directeurs qui l’avait réglée par une augmentation du nombre des sièges. Mais au bout de quelques années, l’Académie revenait à la situation précédente si bien que l’âge moyen continuait d’augmenter parallèlement à une inflation du nombre des sièges préjudiciable au bon fonctionnement de la compagnie.

D’où l’idée de l’honorariat : selon des règles précises, un académicien peut demander à devenir membre honoraire ; il reste membre de l’Académie, continue de recevoir l’information qui en émane mais n’est plus obligé de participer à son activité de tous les jours. Son siège est alors pourvu par un remplaçant qui devient académicien à part entière. Cette formule que Rémy Tessonneau a joliment explicitée par l’image du provignement intentionnel, la vieille tige enfouie dans le sol donnant naissance à une nouvelle pousse a ainsi permis à l’Académie de Saintonge de renouveler sa sève. De 1996 à 2006, quinze nouveaux membres sont élus dont six à des sièges libérés par l’honorariat . Ce renouvellement des académiciens est la marque principale de ces dix années de direction. L’âge moyen, qui n’avait fait qu’augmenter depuis la création de l’Académie, passant de 60,4 ans à 71,6 ans en 1995, est redescendu à 68,5 ans en 2006. Corrélativement à leur âge, le nombre des membres actifs, descendu jusqu’à huit en 1995, est progressivement remonté à dix-sept, ce qui assure une dynamique plus grande aux séances privées.

Basé sur une implication personnelle plus forte des académiciens, notamment pour l’établissement du palmarès, cet élan permet d’enrichir la vocation de l’Académie de grand jury culturel saintongeais ; son palmarès se voit ainsi sensiblement élargi. À la fois en nombre de prix et médailles, passant d’une moyenne de six à douze, et surtout en nature des activités primées. Du secteur quasi exclusif du livre, le palmarès aborde dorénavant l’ensemble des manifestations culturelles et des acteurs qui les mettent en œuvre : livres, revues, action associative, expositions, films, patrimoine, archéologie, théâtre, folklore, musique, peinture, création multimédia, sites internet… Chaque séance publique annuelle offre ainsi à son public un panorama complet de l’action culturelle saintongeaise.

Cet enrichissement du palmarès oblige l’Académie à s’adapter : elle doit tout d’abord trouver des financeurs aux prix qu’elle distribue , elle doit aussi diversifier le profil des académiciens. La crédibilité d’un palmarès élargi repose en effet sur un jury aux horizons variés. Deux types de personnalités composent traditionnellement l’Académie, celui des historiens et celui des « culturels » . Le recrutement important de nouveaux membres lors de ces dix dernières années respecte cet équilibre, en même temps qu’il renforce la présence féminine.

La visibilité de l’Académie fait également partie de la crédibilité de son palmarès. Et vice-versa, bien évidemment ! La mise en place d’une charte graphique dessinée par Jean-François Poussard constitue le premier aspect de cette construction d’image. Comprenant une écriture spécialement créée pour elle, de nature à la fois ancienne par sa cursive et actuelle par sa théâtralité, elle est ornée d’une frise figurant quelques monuments emblématiques de la Saintonge . Papier à lettres et diplômes de couleur ocre, brochure annuelle de compte rendu de la séance publique annuelle ainsi que médailles en bronze sont devenus la base de la communication de l’Académie. Grâce à Jacques Dassié qui a su le concevoir et le réaliser, un site internet complète dorénavant cet éventail et place l’Académie de Saintonge en phase avec son temps.

Une autre manière d’accroître la visibilité de l’Académie est de tout faire pour que sa séance publique annuelle soit vivante et de qualité. La séance comprend traditionnellement deux parties. La première est consacrée au palmarès ; pour la valoriser, car elle est un moment essentiel au sens où le public découvre de nouveaux visages parmi les servants de l’identité locale, le cérémonial s’est vu animé grâce à la remise des prix debout par différents académiciens et grâce surtout à la réponse des primés : ceux-ci, souvent en quelques mots, expriment une tranche de vie et d’attachement saintongeais avec une sensibilité qui va droit au cœur du public.

La seconde partie de la séance publique connaît la même évolution que le palmarès. À la place d’une conférence dite par un académicien d’un ton parfois trop académique qui avait tendance à faire fuir le public, l’idée de se considérer comme organisateur de spectacle culturel s’est progressivement installée. Films, concerts, animation patoisante, théâtre, c’est devenu un défi pour les académiciens de Saintonge que de trouver la « bonne seconde partie » ! Quelques-unes demeurent inégalées : le concert donné en 2002 par l’Ensemble vocal de l’abbaye aux Dames (EVAD) qui venait d’obtenir le grand prix de l’Académie, la projection du film de Marie-Dominique Montel sur Chardonne à qui avait été attribué le prix de l’Académie 2001, le diaporama présenté en 1999 par Jacques Badois sur la rénovation des jardins de La Roche-Courbon ou encore la très belle mise en espace de textes de Pierre-Henri Simon par la troupe de Michel Philippe en 2003.

Ces efforts ne sont manifestement pas restés vains. La mesure de la notoriété de l’Académie, donc de son palmarès, peut s’effectuer de deux façons : le remplissage de la salle où se tient la séance publique annuelle et le nombre d’articles de presse qui la relatent. Ces derniers sont de plus en plus fréquents, autour d’une trentaine chaque année, et le public est de plus en plus nombreux au point que l’Académie qui avait commencé à s’habituer au romantisme du théâtre de La Roche-Courbon a été obligée de revenir salle Saintonge, plus pratique et surtout plus grande

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