Elsa Fottorino pour son roman « Parle tout bas »
Prix de littérature
Elsa Fottorino pour son roman Parle tout bas (éd. Mercure de France)
Rapport : Christophe Lucet
Avec son quatrième roman Parle tout bas (au Mercure de France), Elsa Fottorino s’est hissée dans la première liste du Goncourt 2021 et dans celle du jury Fémina. Une belle reconnaissance pour la romancière de 36 ans, fille de l’écrivain-journaliste Eric Fottorino. Que son père, qui a ses attaches à La Rochelle, ait déjà été primé par notre académie, ne doit pas faire penser à un quelconque népotisme. Car l’auteure de Mes petites morts (2009), Une Disparition (2012) et Nous partirons (2017) trace sa voie avec talent.
Ce roman est, selon ses termes, « un livre de l’intime ». Elsa Fottorino revient sur le viol dont elle fut victime à l’âge de dix-neuf ans lors d’une promenade en forêt. Une nouvelle variation dans la saga « #Metoo » ? Pas vraiment. Ce qui frappe dans ce roman distancié et subtil, c’est sa retenue, sa pudeur. Quinze ans après les faits, le temps a permis la décantation. La douleur est passée. L’auteure a attendu d’être en paix avec elle-même avant de prendre la plume.
Elle le fait à la faveur du resurgissement du passé, causé par l’arrestation fortuite du violeur présumé, et par les convocations que la police judiciaire adresse à la jeune femme. La surprise est brutale. Mais douce aussi puisque les mots pour dire le traumatisme reviennent, alors que la parole était enfouie. D’où l’atmosphère presque apaisée de ce livre où l’Elsa d’aujourd’hui semble s’adresser à sa cadette, dans un dédoublement qui permet de passer du récit au roman.
Maniant l’ellipse, E. Fottorino s’exprime en mode mineur, ce qui n’étonnera pas de cette pianiste amateure, rédactrice en chef de la revue Pianiste, collaboratrice à Classica, dont Franz Schubert est l’un des compositeurs fétiches et qui s’attache à retrouver la trace de compositrices oubliées comme Hélène de Montgeroult. « La musique est ma vie, elle m’a ramené dans le monde du langage », confiait-elle. Il parle tout bas et sans acrimonie de ce qui fut ; et avec ferveur de la douleur dépassée, de la vie qui renaît. Aussi tout un chacun peut-il y trouver une source vive.